Le 10 décembre dernier, en refusant l’annulation des mises en examen dans les dossiers d’Eternit et de Condé-sur-Noireau. la Cour de cassation a redonné aux victimes de l’amiante l’espoir de voir un jour prochain jugés au pénal tous les responsables de la catastrophe en France.

Jamais peut-être cette perspective n’a pu sembler aussi crédible, aussi proche.

Mais ceux qui veulent éviter à tout prix ce procès sont toujours à la manoeuvre.

Désavoué par la Cour de cassation, le Parquet persiste et signe  : dans le dossier de Condé-sur-Noireau, qui revient devant la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris autrement composée, le procureur général se prononce une nouvelle fois... pour l’annulation de toutes les mises en examen des membres du Comité permanent amiante et des hauts fonctionnaires !

Comme si la Cour de cassation n’existait pas...

Cette résistance active du représentant du ministère public qui est en charge de mettre en oeuvre la politique pénale de la Nation pose des questions sur la façon dont fonctionne la Justice dans notre pays.
Qui peut comprendre que pas un seul procureur en France n’ait jamais pris l’initiative d’une seule poursuite contre un seul responsable du drame de l’amiante ?
Qui peut accepter que loin d’aider à la manifestation de la vérité, le Parquet ait tout fait pour entraver et corseter le déroulement de l’instruction ?
Comment ne pas s’indigner de voir un procureur prétendre que l’influence du Comité permanent amiante sur les pouvoirs publics ne serait pas démontrée, alors que les éléments du dossier prouvent le contraire ?

Au-delà, ce qui est en cause aujourd’hui c’est la politique pénale du gouvernement. Veut-on vraiment traduire en justice les responsables de catastrophes sanitaires ?

Ceux qui rendent la justice doivent le faire en toute indépendance. Mais pour qu’ils puissent le faire, encore faut-il qu’en amont, tout ait été fait pour que la vérité puisse se manifester.
C’est à la Garde des Sceaux qu’il incombe d’orienter la politique pénale et de donner à la justice les moyens pour la mener à bien.
Si sur les moyens donnés à l’instruction, nous avons finalement été entendus, il n’en est pas de même sur le plan de la politique pénale. L’Andeva avait demandé à la Garde des Sceaux que soit envoyée une instruction générale aux parquets demandant de rechercher toutes les responsabilités dans les affaires de santé publique. Nous l’attendons toujours.

Quand il s’agit de crimes industriels, qui font des milliers de victimes, la recherche des responsabilités doit être exhaustive.
Elle ne saurait se limiter aux chefs d’établissement en ignorant l’action des lobbys industriels et de ceux qui d’une façon ou d’une autre ont relayé leur action de désinformation et leur combat contre l’interdiction.
L’interminable attente des victimes et des familles de Condé-sur-Noireau, d’Eternit, de Jussieu, d’Amisol... n’a que trop duré.

Combien d’entre elles ont été fauchées par une maladie mortelle depuis le début de la procédure ?
Combien de mis en examen ont déjà atteints un âge avancé ?
Qui restera-t-il à juger si la procédure s’éternise ?

Pour renverser le cours des choses, l’Andeva a décidé de jeter toutes ses forces dans cette bataille en s’impliquant directement dans sa dimension judiciaire.
Un groupe de travail a été créé avec les associations locales engagées dans les procédures.
Depuis les premières marches des veuves de Dunkerque, nous avons su mener une bataille politique qui nous permis d’avancer sur le plan de moyens et aussi de sensibiliser la population et les magistrats.
Nous allons le faire au plan judiciaire en utilisant les dispositions de la loi favorables aux parties civiles. Nous allons donc demander des actes d’instruction auprès des magistrats, fouiller dans les dossiers, chercher des pièces, des témoignages, demander des auditions, des confrontations…

Cela fait dix-huit ans que nous nous battons pour obtenir justice. Nous ne lâcherons rien.

François Desriaux
Michel Parigot
Alain Bobbio


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°45 (avril 2014)