Liliane a été emportée par un cancer de l’ovaire. Avec le soutien de l’Addeva 08 elle avait engagé de son vivant un long combat judiciaire pour faire reconnaître l’origine professionnelle de sa maladie, un combat que poursuivent aujourd’hui son époux et ses enfants. Claude HUET, le président de l’association, nous dit pourquoi et comment.

Quand la maladie de Liliane s’est-elle déclarée ?

Les premiers symptomes sont apparus en mars 2008, avec d’intenses douleurs dans le ventre qui la pliaient en deux. Après le diagnostic elle a connu l’opération en urgence puis l’alternance des chimios et des périodes de repos. Elle est décédée le 12 juin 2012, après avoir subi quatre années de soins très lourds.

De quelle façon avait-elle été exposée aux fibres d’amiante ?

Elle a travaillé de 1966 à 1980 chez Deville, une usine de Charleville qui fabrique des systèmes de chauffage. Liliane avait été ouvrière à l’émaillerie, puis au contrôle. De 1976 à 1980, elle était au réassortiment des pièces comme les joints et les cordons d’amiante  : «  Mes activités consistaient à couper des cordons amiante au cutter et au centimètre près. Ces cordons étaient destinés à fournir la ligne de montage. C’était mon activité principale. J’ai inhalé les poussières d’amiante car des fibres se détachaient des cordons lors du découpage.  » Le médecin du travail lui a délivré une attestation d’exposition à l’amiante.

Comment avez-vous fait une relation entre ce cancer et l’amiante ?

Quand Liliane m’a appris sa maladie, je venais de suivre une formation médicale organisée par l’Andeva avec le docteur Lucien Privet.
La revue Lancet avait publié les résultats de l’étude internationale sur le lien entre l’amiante et les cancers de l’ovaire et du larynx.
J’ai conseillé à Liliane de déclarer une maladie professionnelle. J’ai écrit à son médecin en lui donnant toutes les explications. Il a rédigé un certificat médical initial.

Une pathologie qui n’est dans aucun tableau de maladie professionnelle peut-elle être reconnue ?

Oui. Le dossier doit être examiné par un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

Pourquoi la procédure a-t-elle duré si longtemps ?

Nous nous sommes heurtés à bien des obstacles.
La caisse primaire a d’abord opposé un « refus provisoire » que nous avons dû contester devant la commission de recours amiable (CRA), qui a confirmé le refus de la caisse. Nous avons alors saisi le Tribunal des affaires de la Sécurité sociale (le Tass) qui a, lui aussi, validé le refus provisoire. La caisse a saisi le CRRMP de Nancy, qui a rendu un avis négatif. Nous l’avons contestè devant la CRA puis devant le TASS, qui a sollicité l’avis du CRRMP de Lille. Ce dernier a estimé qu’il «  convient de retenir un lien direct et essentiel entre l’affection présentée et l’exposition professionnelle ».
Une si longue procédure est une épreuve pour la victime et ses proches...
Oui, une épreuve qui s’ajoute au vécu douloureux de la maladie. Liliane est restée pendant 3 ans dans l’incertitude, avec pour seule réponse : « le dossier est en cours  ». Cela a altéré son moral et a renforcé son inquiétude sur l’avenir de son époux et de ses enfants. L’administration néglige trop souvent l’aspect humain. C’est insupportable.

Et maintenant ?

Selon l’usage, le Tass devrait suivre l’avis du deuxième CRRMP, mais l’avocat de Deville nie toute exposition à l’amiante et réclame la désignation d’un troisième CRRMP !
Il sait que le site a été classé «  amiante ». Il sait que 18 décès reconnus imputables à l’amiante ont précédé celui de Liliane (avec des procédures en faute inexcusable gagnées devant le TASS et une devant la cour de cassation). Mais Deville nie l’évidence et «  joue la montre », avec un incroyable mépris pour la douleur de la famille.

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Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°45 (avril 2014)

 

 


Liliane nous a quittés. Je lui avais promis de mener ce combat jusqu’au bout. La promesse sera tenue. Nous espérons de tout coeur que cette maladie sera enfin reconnue, que cette décision fera jurisprudence et que le cancer de l’ovaire sera inscrit dans un tableau de maladies professionnelles.