Aujourd’hui fleurissent des publications pseudo-scientifiques financées par des sociétés qui n’utilisent plus d’amiante mais ne veulent pas payer de dommages à des personnes contaminées dans le passé par leurs produits. Elles sont confiées à des «  experts  » qui ne nient pas la nocivité de l’amiante mais justifient l’innocuité de son utilisation par la société qui les paie. Les « travaux » des épidémiologistes italiens Boffetta et La Vecchia qui bafouent l’éthique scientifique appartiennent à cette catégorie.

Un épidémiologiste réputé...

Paolo Boffetta est un épidémiologiste italien réputé, qui a publié plus d’une centaine d’articles d’épidémiologie dans des revues internationales, travaillé pendant des années au Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC / IARC), publié plus d’une centaines d’articles d’épidémiologie. Il est l’actuel directeur d’un institut d’épidémiologie à l’hôpital Mount Sinai (USA). Sa compétence est indiscutable. Le problème est ailleurs.

...auteur d’études niant les dangers de plusieurs cancérogènes..

Depuis plusieurs années, il travaille, moyennant d’importantes rémunérations pour divers industriels et - depuis que son compte en banque a pris de l’ampleur - ses conclusions sont systématiquement favorables aux industriels qui signent les chèques.
Boffetta a écrit des articles «  adoucis  » sur la dioxine, le diesel, l’acrylamide, le formaldéhyde, le béryllium, produits dont la cancérogénicité a été reconnue par la communauté scientifique et confirmée par le CIRC. Il ne craint pas d’écrire par exemple que «  les preuves disponibles ne soutiennent pas un lien causal entre l’exposition professionnelle au béryllium et le risque de cancer  ».

...expert rémunéré d’employeurs poursuivis par la Justice

Paolo Bofetta intervient comme expert nommé par la défense dans des procès civils en Italie. Il est ainsi expert pour Montefibre qui doit faire face à des demandes d’indemnisation d’employés victimes de mésothéliomes.
Paolo Boffetta ne tente pas de nier le lien entre l’amiante et le mésothéliome, mais il explique que «  le risque de mésothéliome, pour les travailleurs exposés dans un passé lointain, n’est pas modifié de façon appréciable par les expositions ultérieures et arrêter l’exposition ne modifie pas matériellement le risque ultérieur  ».

Cette surprenante affirmation qui contredit toute la littérature scientifique a été développée dans l’European Journal of Cancer Prevention.
L’article a mis trois jours pour être accepté, alors que le processus de relecture d’un article par les «  pairs  » scientifiques prend normalement plusieurs mois.

Pourquoi si vite ?

La défense comptait l’utiliser durant le procès pour dédouaner les dirigeants de Montefibre, en situant l’origine des mésothéliomes dans un passé lointain, à une époque où n’existait pas encore de législation contraignante.
Il est légitime de s’interroger sur les moyens utilisés pour obtenir cette publication expresse. Carlo La Vecchia, collaborateur de Paolo Boffetta, est l’un des éditeurs de la revue. Ceci pourrait expliquer cela.
Le 28 janvier plus de 140 scientifiques et associations - dont l’Andeva - ont écrit au rédacteur en chef de la revue pour dénoncer une perversion de la science et un mode de publication douteux, en demandant la démission de La Vecchia du comité de rédaction du journal et du conseil d’administration de l’Association de prévention du cancer. S’étant heurtés à une fin de non recevoir, ils ont saisi le comité d’éthique des publications (COPE).

Défendre l’éthique scientifique

Il est grand temps que la société civile et la communauté scientifique fassent le ménage et éliminent ces publications nocives pour la santé publique et l’éthique scientifique.

 


Un curieux cabinet de consultants

Basé à Lyon, l’International Prevention Research Institute (IPRI) se présente comme un institut indépendant de recherche. C’est en fait une société commerciale qui vend des productions « scientifiques » sur commande aux industriels.
Paolo Boffetta et Carlo La Vecchia sont parmi les fondateurs. Ils émargeaient tous deux comme « directeurs de recherche » mais le nom de Paolo Boffetta a été enlevé du site web de l’IPRI au moment de la polémique autour de sa possible nomination au CESP.
Le nom de Carlo La Vecchia a été retiré plus tard, probablement suite aux plaintes concernant l’article paru dans l’European Journal of Cancer Prevention.

 


UN ARTICLE TENDANCIEUX,

Deux mensonges des auteurs sur eux- mêmes

L’article publié dans l’European Journal of Cancer Prévention contient deux affirmations mensongères :
1) « Ce travail a été mené avec la contribution de l’Association Italienne de Recherche sur le Cancer (AIRC). »
FAUX ! Suite à une lettre envoyée par l’Afeva, l’AIRC a publié un démenti.
2) « Aucun conflit d’intérêt »
FAUX ! Boffetta, est rémunéré comme expert par Montefibre et cet article « scientifique », publié par voie expresse avant le procès, vise à mettre hors de cause un industriel de l’amiante poursuivi en justice.

 


C.E.S.P.
LE RETRAIT D’UN CANDIDAT DOUTEUX

Le CESP, Centre de recherche en Epidémiologie et Santé des Populations, est le plus grand centre d’épidémiologie de France. Il est dirigé par Denis Hémon, statisticien et épidémiologiste de renom, co-auteur du rapport INSERM sur l’amiante en 1996.
Son mandat arrivant à terme, un appel à candidatures a été lancé par l’INSERM et les universités Paris-Sud et Versailles.
L’épidémiologiste italien Paolo Boffetta a posé sa candidature, auteur d’articles pseudo-scientifiques sur les pathologies liées à l’amiante dont les conclusions controversées ont pour but de dédouaner les industriels qui l’ont engagé de leurs responsabilités civiles devant la justice.
L’Andeva a écrit le 13 janvier aux autorités de tutelle du CESP pour dénoncer les compromissions de Boffetta avec l’industrie et souligner l’incompatibilité avec la direction du Centre.
Elle semble bien avoir été entendue, puisque Le Monde annonçait, le 31 janvier 2014 que Paolo Boffetta avait retiré sa candidature, sur demande de l’INSERM.

 


UNE LETTRE DE L’ANDEVA
aux présidents de l’Inserm et de l’Université Paris Sud

« Nous vous demandons
de refuser fermement
cette candidature  »

« Nous avons appris par un article du journal le Monde (supplément Médecine du 18 décembre dernier), que l’épidémiologiste italien Paolo Boffetta candidatait pour prendre la Direction du Centre d’épidémiologie et de Santé publique, le CESP, dépendant de vos deux organismes respectifs, l’Inserm et l’université Paris-Sud. Nous nous adressons directement à vous afin de vous demander de refuser fermement cette candidature.
« [...] la candidature de Monsieur Boffetta est gravement entachée de conflits d’intérêts majeurs, totalement incompatibles avec l’exercice du poste de direction du plus grand centre d’épidémiologie français   »
« [...] cette nomination entraînerait de fait une suspicion sur l’ensemble des productions scientifiques du CESP et nuirait considérablement à l’image de cet organisme et, par ricochet, à l’image de ses tutelles.
Elle constituerait également un mauvais signal d’encouragement des pratiques de lobbying et de corruption des industriels envers les autorités scientifiques et les pouvoirs publics, ce qui aurait un effet désastreux pour la santé publique alors que se multiplient aujourd’hui les procédures judiciaires visant à condamner de telles pratiques.
Notre association représente les dizaines de milliers de victimes de la plus grande catastrophe sanitaire que la France ait connue, précisément à cause de ce type de pratiques que les pouvoirs publics et les autorités de veille sanitaire n’ont pas été en mesure d’empêcher, malgré les connaissances scientifiques évidentes et disponibles.
Si l’un des scientifiques qui, en Italie, a publié des articles pseudo scientifiques, établissant des conclusions controversées sur les pathologies dues à une exposition à l’amiante, dans le seul but de dédouaner les industriels avec qui il était en relations d’affaires de leurs responsabilités judiciaires, parvenait à diriger le CESP, ce serait le scandale de plus dans une catastrophe qui en compte déjà beaucoup. Mais ce serait aussi le scandale de trop que nous nous acharnerions à combattre sans relâche. [...]

« [...] nous adressons également ce courrier à Mesdames les ministres de la Santé et de la Recherche et nous le rendrons public prochainement [...]

Pierre PLUTA

[ Le texte intégral de cette lettre ainsi qu’un dossier complet sur l’affaire Boffetta et l’affaire La Vecchia
sont sur le site de l’Andeva : andeva.fr ]


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°45 (avril 2014)