Une escroquerie scientifique au service d’un commerce criminel

Les 3 et 4 décembre dernier, dans le luxueux hôtel Oberoi de New Dehli, était organisée en grande pompe une conférence sur «  l’utilisation sécuritaire de l’amiante » par l’Association Internationale du Chrysotile et l’Association des producteurs d’amiante-ciment indiens.


Comment bien vendre un produit mortel ?

La conférence de New Dehli avait pour thème la «  mise à jour de la science sur l’utilisation sécuritaire de l’amiante chrysotile et ses produits ». Une escroquerie du point de vue scientifique mais un redoutable acte de propagande.
Son but proclamé était de fournir «   information et conseil aux autorités compétentes, aux producteurs et pays utilisateurs, aux industriels, travailleurs, scientifiques, médias et public en général. »
Il s’agissait en fait d’expliquer aux industriels comment bien vendre leur amiante en expliquant que son utilisation moderne est maintenant «  sécuritaire  ». L’introduction, ahurissante de cynisme, soutient que «  le futur des générations dans les pays pauvres et émergents est lié à un programme d’utilisation sûre et responsable. »
La conférence de New Delhi est cousine de la conférence organisée à Kiev (Ukraine) en novembre 2012 par les industriels russes, dont le but avoué était de fournir une «  plate-forme scientifique  » pour s’opposer à l’inscription de l’amiante chrysotile sur la liste des produits dangereux pour lesquels une procédure de consentement éclairé est prévue à la convention de Rotterdam.


EN RUSSIE
La défense d’une industrie désuète et meurtrière

La Russie est confrontée à un problème local socio-économique : la ville d’Asbest a été créée au temps de Staline autour d’une unique activité économique  : l’amiante.
Cette « monoville » de 70 000 habitants ne vit et ne respire que par l’amiante.
La poussière et les maladies y sont partout présentes mais le silence est de mise, car la plupart des habitants savent que le commerce qui fait vivre la ville est menacé.
Dans le passé, la Russie (l’ex-URSS) a utilisé d’énormes quantités d’amiante. Par exemple les toits de Sibérie traditionnellement en bois sont maintenant en amiante-ciment.
Le degré d’information de la population est pratiquement nul, à l’image de l’inexistence de registres de cancers. Cependant la Russie utilise de moins en moins d’amiante, même si elle continue à stimuler la consommation chez ses voisins et satellites (Ukraine, Biélorussie, Ouzbékistan, etc) et vers les grands pays d’Asie (Inde, Chine, Thaïlande, Indonésie, Vietnam, etc.).
L’avenir économique est plutôt sombre pour Asbest et les deux grandes compagnies Uralasbest et Orenbourg Minerais.


EN INDE
Le profit de quelques uns avant la santé de tous

L’inde, qui est le deuxième consommateur d’amiante dans le monde après la Chine, est le premier importateur. Elle se fournit chez tous les producteurs actuels : le Brésil, le Kazakhstan, mais surtout la Russie.
L’amiante est exploité dans des conditions atroces et de façon totalement indiscriminée en Inde. Les discours des industriels et officiels indiens sur l’usage sécuritaire ne prouvent que deux choses : le cynisme effrayant des premiers doublé d’un mépris pour la vie de la partie pauvre de la population de leur pays et, hélas, la corruption des seconds qui choisissent de privilégier les intérêts de quelques riches marchands sur la santé de centaines de milliers de concitoyens pauvres.
La défense du commerce de l’amiante par les autorités indiennes est en fait incompréhensible : pourquoi défendre une poignée de marchands qui sauront très bien gagner de l’argent autrement au détriment de la santé de la population entière ?
En janvier 1995, la Cour Suprême indienne a ordonné un certain nombre de mesures sanitaires (arrêt de l’extraction minière, suivi médical de travailleurs, contrôle de l’empoussièrement, etc.) qui sont restées lettres mortes.
En janvier 2011 elle a de nouveau statué en renvoyant au pouvoir législatif la décision d’interdire ou non l’amiante.


le juteux marché des menteurs professionnels

Comment les autorités de ces pays peuvent-elles ignorer les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé, du Bureau International du Travail ou du Centre de Recherche International sur le Cancer ?
Avec l’aide de menteurs professionnels qui gagnent beaucoup d’argent et dont les écrits ont l’apparence de la science, mais pas la substance.
Parmi les orateurs de la conférence de New-Delhi on trouve :
- des industriels de l’amiante-ciment de pays consommateurs en Asie : Visvanathan et Vivek Chandra Rao (Inde), Le Thi Hang (Vietnam), Somchai Bovornkitti (Thaïlande).
- Des défenseurs de la mine d’Eternit au Brésil : Kitamura et Bagatin (escroc attitré de l’institut du chrysotile brésilien, défenseur de l’amiante devant le Tribunal Suprême Fédéral du Brésil et conférencier à Kiev).
- Des industriels de l’amiante de Russie et d’Ukraine : Sergey Kashansky et Basanets, conférenciers à Kiev.
- Quatre défenseurs de l’amiante canadien, puis brésilien, puis russe (l’argent n’a pas d’odeur) : David Bernstein,
«  expert  » suisse, Jacques Dunnigan, «  expert  » canadien Thomas Hesterberg, «  expert  » américain, Robert Nolan, «  expert  » américain.

Ces escrocs qui émargeaient depuis des années auprès de l’institut de l’amiante canadien, sont grassement payés par des compagnies américaines soucieuses de réduire leur budget «  indemnisation de victimes de l’amiante  ».
Ils émargent aussi auprès de l’institut du chrysotile brésilien. Les trois premiers ont dit des mensonges «  scientifiques  » sidérants lors des audiences publiques devant le Suprême Tribunal Fédéral du Brésil. Bernstein, Dunnigan et Nolan étaient aussi conférenciers à Kiev.
Ils se donnent tous le titre de Docteur (Dr) mais aucun n’est médecin. Le «  docteur  » John Hoskins, qui se présente comme «  consultant toxicologue indépendant  », déclare que l’amiante est «  un produit bon marché qui fait un très bon travail  » pour lequel existe «  un risque immensément petit  »... Un discours qui rapporte de solides cachets.


Des scientifiques et des associations du monde entier ont écrit au gouvernement
indien pour dénoncer les mensonges des
industriels et leurs conséquences meurtrières et pour lui demander d’interdire l’amiante.
L’Andeva a signé cette lettre ouverte.
(voir pages 42 et 43).


Article paru dans le bulletin del’Andeva n°44 (janvier 2014)