300 scientifiques et organisations de 36 pays condamnent la promotion de l’amiante en Inde

Une lettre ouverte a été envoyée aux Ministres de la Santé, du Travail et de l’Environnement, ainsi qu’au gouvernement indien par 200 scientifiques et 100 associations de défense de la Santé et des victimes de l’amiante de 36 pays. A la veille de la Conférence organisée les 3 et 4 décembre 2013 à New Dehli par l’Association internationale du Chrysotile et les industriels indiens de l’amiante-ciment cette lettre dénonce fermement la campagne de désinformation visant à apporter une caution scientifique au commerce de ce matériau mortifère qu’elle demande au gouvernement indien d’interdire.

Les scientifiques
du monde entier contre l’amiante

« ...La communauté scientifique mondiale a conclu de manière accablante que l’amiante chrysotile est la cause de maladies mortelles comme l’asbestose, le mésothéliome, le cancer du poumon et d’autres cancers, et qu’il ne peut pas être utilisé en sécurité.
Le Centre International de Recherche sur le Cancer et l’Organisation Mondiale de la Santé ont appelé à l’arrêt de l’utilisation de l’amiante chrysotile de façon à prévenir de plus amples épidémies tragiques de maladies dues à l’amiante.
Pour ne citer que quelques- unes des plus importantes organisations, la Fédération Mondiale des Associations de Santé Publique, la Commission Internationale de Santé au Travail, l’Association Internationale de la Sécurité Sociale, l’Union Internationale pour le Contrôle du Cancer, représentant 770 organisations membres, dans 155 pays, incluant la Société Indienne du Cancer et la Fondation Indienne d’Aide et Recherche sur le Cancer, la Confédération Internationale des Syndicats, représentant 175 millions de travailleurs dans 151 pays, le Collège Ramazzini, le Comité mixte chargé des politiques des sociétés d’épidémiologie (JPC-SE) et l’Association Indienne de Santé au Travail ont toutes appelé à l’arrêt de l’utilisation de l’amiante.
L’amiante chrysotile représente 95% de tout l’amiante utilisé le siècle dernier et représente aujourd’hui la totalité du commerce de l’amiante. Dans chacun des pays où il a été utilisé, l’amiante chrysotile a laissé derrière lui un terrible héritage de souffrances humaines et des milliards de dollars en coûts pour des soins médicaux, l’indemnisation des victimes et pour l’enlèvement de l’amiante détérioré dans les bâtiments. Pour ces raisons la Banque Mondiale a émis des recommandations contre l’utilisation de l’amiante.

Une désinformation mortelle

L’Organisation Internationale du Chrysotile est une organisation de lobbying, basée au Québec, Canada, et dirigée par M. Jean Leblond qui a été longtemps un marchand pour les mines d’amiante du Québec. L’Association a été condamnée par les experts médicaux au Québec et autour du monde, pour avoir disséminé une désinformation mortelle et trompeuse, qui causera des souffrances et pertes de vies humaines dans les années à venir.
Aucune agence scientifique réputée dans le monde ne soutient l’affirmation promue par l’Association Internationale du Chrysotile et l’Association des industriels de l’amiante-ciment en Inde, que l’amiante chrysotile peut être utilisé en toute sécurité.
Devant les demandes, par des experts de santé du Québec et d’ailleurs, de cesser d’exporter l’amiante, le gouvernement du Québec a fermé l’année dernière la dernière mine d’amiante du Québec. Le Québec et le reste du Canada ont cessé pratiquement toute utilisation de l’amiante depuis de nombreuses années. Cependant, à cause de la longue période de latence des maladies dues à l’amiante, 70% des décès dus à des maladies professionnelles au Québec continuent aujourd’hui à être causés par l’amiante.
Devant le désastre de santé publique causé par l’amiante, 54 pays industrialisés ont interdit toute utilisation de l’amiante. D’autres pays comme les États-Unis et le Canada ont simplement cessé toute utilisation de l’amiante. Par conséquent l’industrie de l’amiante, pour pouvoir continuer à assurer ses profits, cible de manière agressive les pays d’Asie, pour la vente. Seuls six pays asiatiques – Chine, Inde, Indonésie, Vietnam, Thailande et Sri Lanka – représentent maintenant 70% de la consommation mondiale d’amiante.

L’Inde premier
importateur de
la planète

Alors que l’industrie de l’amiante prétend que l’amiante est encore largement utilisé, en fait seuls huit pays représentent 87% de la consommation mondiale : Chine, Inde, Brésil, Indonésie, Russie, Vietnam, Thailande et Sri Lanka.
L’Inde importe plus d’amiante qu’aucun autre pays de la planète, avec des importations qui ont augmenté de 253,382 tonnes en 2006 à 473,240 tonnes en 2012, une augmentation de 186%. Ces grandes quantités d’amiante, étant placées dans des maisons et écoles à travers l’Inde, constituent une bombe à retardement qui continuera à causer des souffrances et des morts pendant les décennies à venir, et causera également une ponction financière sur l’Inde.
Pendant que la Russie et le Brésil ramassent les profits des exportations d’amiante, c’est l’Inde qui paiera le prix en souffrances humaines et coûts financiers.

Une explosion
prévisible des
maladies

Bien qu’il n’y ait pas de surveillance et recensement systématiques des maladies dues à l’amiante (ARD) en Inde, 225 cas de mésothéliomes, une forme rare de cancer trouvée parmi les personnes exposées à toutes les formes de fibres d’amiante, ont été recensés par le registre indien des cancers, l’Institut du Cancer du Gujarat et l’Institut Tata du Cancer. Des études indépendantes à Mumbai, Madhya Pradesh et Jharkhand, auprès d’anciens travailleurs de mines ou usines d’amiante, ont identifié plus de 500 cas d’asbestose, dont quelques uns ont été indemnisés comme maladie causée par une exposition professionnelle à l’amiante. Des données nouvelles recueillies par des organisations indépendantes de santé montrent des cas de maladies chez des membres de la famille de travailleurs, dus à des expositions secondaires et environnementales.
Plusieurs procès sont pendants devant les cours de justice civile et du travail, dans les États du Gujarat, Maharastra et Rajasthan.
Comme résultat de l’utilisation accrue de l’amiante en Asie, Dr. G.V. Le, Dr. K. Takahasi et d’autres ont averti :
«  Une explosion de maladies dues à l’amiante est à anticiper dans les décades à venir. Les pays d’Asie ne devraient pas seulement cesser d’utiliser l’amiante mais aussi se préparer à la menace d’une épidémie de maladies dues à l’amiante. »

Une fraude
financée par les industriels

Pour promouvoir l’affirmation fausse que l’amiante chrysotile peut être utilisé de manière sécuritaire, l’Association Internationale du Chrysotile a financé un article écrit par Dr. David Bernstein, qui a travaillé pendant des dizaines d’années pour les industries du tabac et de l’amiante.
Dr. Bernstein va présenter son article, Health Risks of Chrysotile Revisited (« les risques pour la santé du chrysotile - une nouvelle évaluation ») appuyant l’utilisation du chrysotile, à la conférence de New Delhi. Une cour de New-York a récemment jugé que nombre des articles scientifiques écrits par Dr. Bernstein, financés par des compagnies de produits en amiante, étaient destinés à jeter un doute sur la capacité de l’amiante chrysotile à causer des cancers et constituaient potentiellement un crime de fraude.
Quand il a témoigné devant une cour pour une compagnie d’amiante, Dr. Bernstein a admis devant le juge, qu’aucun organisme scientifique n’était d’accord avec ses opinions sur l’amiante chrysotile.
L’industrie de l’amiante est préoccupée par la protection de ses profits. Notre préoccupation concerne la protection de la santé publique. Nous vous pressons respectueusement, comme Ministre de la Santé, de la famille et de la sécurité sociale, comme Ministre du Travail et de l’Emploi, comme Ministre des Forêts et de l’Environnement, de placer les intérêts de santé du peuple indien devant les intérêts matériels de l’industrie de l’amiante.

Protéger la santé
et interdire l’amiante

Nous vous pressons vous et le gouvernement indien d’appuyer la recommandation de l’Organisation Mondiale de la Santé et de la communauté sceintifique respectable dans le monde, et d’interdire l’utilisation de tout amiante en Inde, de manière à prévenir d’autres souffrances et morts inutiles. Nous vous pressons de rejoindre la vaste majorité des pays dans le monde qui ont adopté une politique éclairée, basée sur des preuves scientifiques écrasantes, et d’interdire l’utilisation de l’amiante pour la protection de la santé publique, pour les générations futures. »

Copies au :
Directeur NIOH, Ahmedabad
Président, Indian Medical Association
Directeur, Indian Institute of Toxicology Research, Lucknow
Directeur, National Institute of Miners Health, Nagpur
Directeur Général, Factory Advice Service and Labor Institutes (DGFASLI)

Cette lettre datée du 27 novembre 2013 a été signée par plus de 200 personnalités scientiques et une centaines d’associations de santé publique et de défense des victimes de l’amiante.

Les intertitres ont été ajoutés par le Bulletin de l’Andeva.

Le texte intégral de cette lettre (en français et en anglais), la liste des signataires individuels et collectifs, le programme de cette conférence ainsi qu’une présentation de Kathleen Ruff sont sur le site de l’Andeva  :
http://andeva.fr/?Les-scientifiques-et-les


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°444 (janvier 2014)