Quatre ans après l’étude de l’Afsset sur la toxicité des fibres fines et des fibres courtes d’amiante, deux ans et demi avant l’abaissement de la valeur limite d’exposition en milieu de travail, les professionnels du bâtiment, les préventeurs et les agents de contrôle se posent des questions. Les protections respiratoires actuellement sur le marché sont-elles vraiment efficaces ? Comment appliquer une nouvelle réglementation en anticipant sur des dispositions qui ne sont pas encore en vigueur ? Quelle responsabilité pénale pour les professionnels et les agents de contrôle ?

 

Entre le « déjà plus » et le « pas encore » 

L’étude de l’Agence nationale de Sécurité sanitaire (ex-Afsset) montre que dans un nuage de poussières d’amiante, 85% des fibres sont des fibres fines et des fibres courtes indétectables par des mesures en microscopie optique (MOCP).

Or la cancérogénicité des fibres fines est certaine et celle des fibres courtes ne peut être exclue.

Mesures et Valeurs limites d’exposition

Le décret du 4 mai 2012 en a pris acte : il impose des mesures d’empoussièrement en microscopie électronique (META) et prévoit pour juillet 2015 une baisse drastique de la valeur limite d’exposition (de 100 fibres à 10 fibres par litre).

Un délai aussi long crèe une situation instable et contradictoire. On ne peut déjà plus dire qu’on ne connaît pas le danger des fibres fines et des fibres courtes, mais on ne se donne pas encore les moyens de s’en protéger.

Quel masque pour quel travail ?

Les masques existants sur le marché ont été testés sans prendre en compte les fibres fines et les fibres courtes. Leur efficacité doit donc être revalidée.

Pour des opérations de désamiantage générant des niveaux d’empoussièrement massifs, il est recommandé d’assurer une pression positive à l’intérieur du masque. Cela dit, beaucoup de préventeurs se méfient des appareils à ventilation assistée et préfèrent des appareils des masques à adduction d’air.

Pour des niveaux d’empoussièrement faibles, le demi-masque FFP3 était jusqu’ici censé protéger l’opérateur pendant une heure, à condition qu’il soit rasé de près et que la forme de son visage s’adapte à celle du masque. Doit-on encore le considérer comme le produit de référence pour l’amiante ? Beaucoup en doutent.

Professionnels et agents de contrôle :un profond malaise 

Ces incertitudes créent un malaise chez les professionnels qui ont le souci de se protéger comme chez les inspecteurs du travail et les ingénieurs des caisses régionales, qui estiment que pour surveiller efficacement un chantier de désamiantage ils doivent pénétrer en zone confinée. En l’absence d’équipements efficaces fournis par leur propre administration, doivent-ils les demander aux entreprises qu’ils sont chargés de contrôler ?

La compétence et les délais des labos 

Les mesures en META, infiniment plus fiables que les mesures en MOCP, sont aujourd’hui la règle. Dans l’immédiat, leur mise en pratique soulève des difficultés : le nombre de laboratoires compétents est limité et les délais de retour des mesures peuvent atteindre trois semaines.

Sous-section 3 et sous-section 4

La réglementation distingue les activités de retrait ou de confinement (sous-section 3) et les interventions sur des matériaux ou appareils susceptibles d’émettre des fibres d’amiante (sous-section 4)
Les premières concernent un nombre limité de sociétés spécialistes du désamiantage. On y voit des dérives, mais le personnel y est généralement formé.

Les secondes concernent des millions de salariés (BTP, maintenance, entretien…) qui connaissent mal le danger et travaillent au contact de l’amiante sans le savoir. Les inspecteurs du travail ne sont informés de ces interventions qu’après coup.

La grogne desartisans et des PME

Dans ce secteur, le durcissement réglementaire, les obligations de formation et la fin de la distinction entre friable et non friable passent mal. La Confédération de l’artisanat et des petites entreprises pétitionne contre le décret en disant que des milliers de chauffagistes et de plombiers seront chômeurs car financièrement ils n’auront pas les moyens de l’appliquer. Comment leur expliquer qu’il s’agit d’un problème de santé publique ?

Sous la menace du pénal 

Cette situation de déjà plus et de pas encore peut engager la responsabilité pénale des professionnels, des agents de contrôle et des pouvoirs publics.

L’Andeva estime que les délais de mise en œuvre du décret sont trop longs. Pour surmonter ces difficultés rencontrées sur le terrain, il ne serait pas inutile de réunir et d’écouter tous les acteurs, y compris les associations du réseau Andeva.

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°41 (janvier 2013)