Une cour d’appel condamne un employeur à rembourser l’indemnisation versée par le Fiva pour une épouse contaminée par les bleus de son mari.

Michel Salard a travaillé 22 ans chez Eternit Caronte. Pendant 19 ans, Zoé, son épouse, a lavé les bleus couverts de poussières d’amiante qu’il ramenait à la maison.
En 2008, elle fut atteinte d’un mésothéliome qui causa son décès le 1er novembre 2011.
Le Fiva indemnisa sa famille, puis engagea une action récursoire devant le tribunal de Grande instance pour faire payer l’employeur.
Le 15 décembre 2011, le TGI d’Aix a reconnu la responsabilité d’ECCF (ex-Eternit SAS) et l’a condamnée, en application de l’article 1384 du Code civil, à payer les sommes versées par le Fiva à la famille Salard.
Le 18 novembre 2013 la Cour d’appel d’Aix a confirmé que c’est bien l’employeur et non la branche AT-MP de la Sécurité sociale qui doit payer l’indemnisation.

L’article 53 de la loi du 23 décembre 2000 impose au Fiva de se retourner, chaque fois que c’est possible, contre l’employeur, pour récupérer le montant des indemnisations versées à une victime de l’amiante ou à sa famille.
Le Fonds qui est subrogé dans les droits du demandeur doit « user de toutes les voies de recours ouvertes par la loi » pour saisir une juridiction civile. S’il s’agit d’un salarié, le Fiva doit engager une action en faute inexcusable de l’employeur.
S’il s’agit d’une victime environnementale, cette action n’est juridiquement pas possible, mais il est possible de démontrer la responsabilité de l’employeur en invoquant l’article 1384 du Code civil. Cet article rend responsable «  en dehors de toute notion de faute  » celui qui avait la garde de « choses inertes  » dont l’utilisation anormale a pu causer un «  dommage  » (maladie, blessures, décès...).
Les attendus de l’arrêt de la cour d’appel d’Aix méritent d’être cités.

« Gardienne
des poussières d’amiante »

« La SA Eternit était gardienne des poussières d’amiante générées par son activité de fabrication et de commercialisation des matériaux en amiante-ciment et plus précisément des plaques.
En sa qualité de propriétaire et exploitante de l’usine Caronte de Martigues, elle avait l’usage, la direction et le contrôle de ce produit toxique provenant des fibres d’amiante utilisées dans ses ateliers.
Elle conservait cette garde lorsque les poussières étaient transportées à l’extérieur, notamment jusqu’au domicile de ses ouvriers par leurs vêtements de travail, veste et pantalon en toile de coton bleu, qui en étaient imprégnés et qu’elle leur fournissait gratuitement, tout en s’abstenant d’en assumer elle-même le nettoyage, leur laissant le soin individuel de procéder à cette tâche en dehors de ses locaux.
 »

Un dossier
solidement étayé

La clé de cette victoire, c’est d’abord la solidité du dossier constitué par Michel et le Caper Eternit Caronte.
Des attestations écrites, précises et concordantes ont confirmé l’exposition.
Elisabeth Thomas par exemple se souvient d’avoir « comme toutes les épouses des travailleurs d’Eternit dû secouer puis laver les vêtements de travail » de son mari, car «  l’employeur refusait de prendre en charge le nettoyage ». Elle a toujours en mémoire « une volée de poussière blanchâtre qui s’échappait de ses vestes et pantalons  » lors du secouage avant de les passer en machine. Les enfants de Zoé ont vu leur mère laver ces bleus qu’elle «  secouait vigoureusement  » et « dépoussiérait avec une tapette ». Des procès-verbaux du CHSCT montrent que les représentants du personnel avaient réclamé à plusieurs reprises le lavage des bleus par Eternit.

Un exemple
à suivre

Une action engagée par le Fiva devant le Tribunal des Affaires de la Sécurité sociale - si la faute inexcusable de l’employeur est démontrée - permet à un salarié victime de l’amiante ou aux ayants droit d’un salarié décédé porter la rente Sécurité sociale au taux maximum.
Une action engagée devant le Tribunal de Grande instance par une victime environnementale ou sa famille ne leur procure aucun avantage financier, mais elle permet de faire reconnaître la responsabilité de l’employeur et de mettre l’indemnisation à sa charge.
«  A présent, nous espérons que d’autres associations suivront cet exemple et s’engageront dans cette voie  », conclut Nicolas Cris­tofis, le président du Caper des anciens salariés d’Eternit Caronte.

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°44 (janvier 2014)