L’association a été constituée en 2000, à l’initiative d’anciens employés de l’usine ATOFINA Saint-Auban (devenue ARKEMA) et des Mutuelles de France.
Treize ans plus tard, elle a montré son efficacité dans la défense des victimes et des salariés exposés.

Saint-Auban, petite commune des Alpes de Hautes Provences, était l’un des fiefs de l’entreprise Atofina, la branche chimie du groupe pétrolier Total, rebaptisée Arkema au terme d’une réorganisation.


Réduite comme
une peau de chagrin

Dans ses meilleures années, le site comptait près de 3000 employés.
C’était le temps où l’entreprise marquait la région de son empreinte paternaliste en construisant maisons, stade, piscine et autres infrastructures qui dépendent habituellement des collectivités locales. Cela faisait de Saint- Auban une commune enviable, mieux dotée que certaines autres pourtant bien plus peuplées.
Si la piscine a depuis été détruite, le stade est toujours là. Les maisons aussi, rachetées pour la plupart par d’anciens employés. Mais l’usine, s’est réduite comme peau de chagrin, voyant ses effectifs divisés par dix.

Une prise de conscience
progressive du danger

Deux évènements importants ont précédé la naissance du CAPER.
En 1990 des élus CGT au CHSCT décident de s’intéresser à l’amiante dans leur usine. La direction se hâte de nommer une commission... sans aucun membre du CHSCT. Elle assure qu’il n’y a aucun problème !
Une seconde commission intégrant des membres du comité parvient à des résultats bien différents : de l’amiante, il y en a beaucoup dans l’usine de Saint-Auban, principalement pour calorifuger d’innombrables tuyauteries.
En 1995 les employés du site prennent pleinement conscience de ses dangers, quand l’institut National de la Santé (créé par les Mutuelles de France) tient un colloque sur l’amiante à Marseille. Un signal d’alarme pour les employés d’Arkema.
Des maladiies apparaissent, toujours plus nombreuses. Créer
une association pour rassembler et défendre les victimes devient alors une évidence.


Quel chemin
parcouru depuis 13 ans !

En 2002, le Tass de Dignes-les- Bains a condamné pour la première fois Arkema : la faute inexcusable de l’employeur a été reconnue. Des dizaines d’autres condamnations suivront.
Le 30 octobre 2007, grâce à l’action opiniâtre du Caper et des élus CGT au CHSCT, Arkema Saint-Auban a été inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit à la cessation anticipée d’activité amiante par un arrêté du 30 octobre 2007 pour une période allant de 1962 à 1994.
Personne ne peut plus nier aujourd’hui l’ampleur des dégâts humains dans cette usine où l’amiante a causé une cinquantaine de décès.
Une victoire que le Caper 04 a voulu prolonger par l’extension de ce droit aux intérimaires et aux sous-traitants.
En décembre 2011, après Faure SA, l’entreprise sous-traitante Friedlander a été à son tour inscrite sur les listes pour la période 1970 à 1996.La lutte continue pour faire inscrire d’autres sous-traitants.
Le 1er mai 2013, l’association a inauguré une stèle qu’elle a fait ériger en hommage à toutes les victimes de l’amiante.
En mai 2013, après deux ans de procédure, le conseil des prud’hommes de Digne-les-Bains a donné raison aux 310 employés de l’usine qui demandaient réparation de leur préjudice d’anxiété. Chacun a reçu une indemnisation de 8000 euros. Depuis, des plaques pleurales ont été diagnostiquées chez 17 d’entre eux.
Le 4 novembre 2013, René Villard, président du Caper, et Jean-Marie Gratatoli, ancien secrétaire du syndicat CGT d’Arkema, accompagnés par maître Julie Andreu, ont été reçus par Madame Le Goff, juge d’instruction au pôle de Santé publique de Marseille, qui suit le dossier pénal de l’amiante.Un médecin (expert) était présent.
Ce fut une occasion de rappeler que les directeurs successifs de l’établissement avaient exposé leurs salariés à l’inhalation massive de poussières d’amiante sans protection adaptée, alors que le risque était connu depuis de longues années et en oubliant d’informer leurs salariés.
La plainte pénale concernant le site de Saint-Auban a été déposée il y a neuf ans ! Est-il donc si difficile de trouver des responsables ?


TRAVAILLLER CHEZ ATOFINA
Le témoignage de Roger


Durant 24 ans, il a circulé dans l’usine, vêtu de sa combinaison d’amiante. A son départ, le bulletin médical qu’on lui a remis était vierge de toute exposition.

Roger a démarré dans l’usine en 1955.
Il était alors «  en régie  » ce qui signifie qu’il travaillait à l’usine Atofina mais pour le compte d’une autre entreprise.
Il intégre Atofina, future Arkema, en 1955, expérimentant plusieurs postes, de la fabrication de DDT au métier de soudeur à l’atelier central.
C’est celui-ci qui l’a le plus marqué. Il lui doit sans doute les plaques qui recouvrent aujourd’hui ses poumons.
24 années durant, Roger a circulé dans toutes les zones de l’usine dans sa combinaison d’amiante. Il ne compte plus les tresses d’amiante qu’il est allé souder autour des tuyaux, ni celles qu’il a dû rafistoler jusqu’à ce qu’elles tombent en morceaux.
Et comment oublier ces plaques « de protection » que l’on plaçait sur le sol lorsqu’il fallait intervenir dans les fours et que la chaleur faisait presque grésiller sous les pieds.
Le métier est usant pour l’organisme et Roger sera finalement muté aux achats à cause de sa vue dégradée.
Lorsqu’il quittera l’entreprise en 1995, on lui remettra un bulletin médical présentant une carrière vierge de toute exposition professionnelle à l’amiante. Aussi, quelle ne fut pas
sa surprise lorsqu’en 2008 on lui diagnostiqua des plaques pleurales symptomatiques d’une exposition à l’amiante.
Aujourd’hui, Roger a obtenu sa reconnaissance en maladie professionnelle.
Grace au Caper, il a fait appel au cabinet Teissonnière-Topaloff-Lafforgue qui le défend dans son action en faute inexcusable de l’employeur contre Arkema.
Il était présent avec son épouse lors
de l’inauguration de la stèle le 1er mai dernier.


UNE STELE
En mémoire de toutes les victimes

Depuis ses débuts, l’association a dénombré 51 décès dus à l’amiante parmi les anciens de l’usine et au moins 5 parmi les sous-traitants.
Mais combien d’autres sont partis avant que le Caper ne puisse démarrer cette triste comptabilité ? La stèle se trouve en bas de l’avenue Alsace-Lorraine, juste en surplomb de l’usine responsable du désastre.
L’inauguration a eu lieu le 1er mai 2013.
Ce jour-là, 600 personnes se sont réunies.
C’est Max Walkowski, lui aussi ancien d’Arkema, qui malgré de gros problèmes de santé a réalisé la sculpture qui couronne la stèle.
Cela lui a demandé un an de
travail mais quelle reconnaissance de voir cette foule émue réunie ce jour-là au pied de son œuvre !


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°44 (janvier 2014)