Des dérogations inacceptables pour les jeunes travailleurs de moins de 18 ans

Deux décrets du 11 octobre 2013 permettent à un employeur de demander une dérogation pour faire travailler un jeune avec un niveau d’empoussièrement en fibres d’amiante pouvant aller jusqu’à 60 fois la valeur limite d’exposition. Un second décret, paru le même jour, étend la validité des dérogation d’un an à trois ans.

Jusqu’à présent la réglementation interdisait d’affecter des jeunes de moins de 18 ans à des « activités de retrait ou de confinement » et à des interventions «  sur des flocages ou des calorifugeages ». Deux décrets récents changent la donne.

Le décret
n° 2013-915

Il s’applique aux jeunes de 15 à 18 ans qui préparent un diplome technique (CAP, bac pro, bac techno, brevet de technicien...)
ll interdit en général de les affecter à des opérations susceptibles de les exposer à « un niveau d’empoussièrement en fibres d’amiante de niveau 1, 2, ou 3 ».
Mais, « pour les besoins de leur formation » il autorise des dérogations particulières « pour des opérations susceptibles de générer une exposition à des niveaux d’empoussièrement de fibres d’amiante de niveau 1 ou 2 définis à l’article R.4412-98 du Code du travail. »
(voir encadré ci-dessous).

Avec une dérogation de l’inspection du travail, un jeune de 15 ans peut donc travailler, en toute légalité, dans un local où chaque litre d’air contient six milliers de fibres d’amiante  : 60 fois plus que la valeur limite d’exposition professionnelle actuelle pour l’air inhalé par un travailleur, 600 fois plus que la valeur limite applicable au 1er juillet 2015  !

Le décret
n° 2013-914

Il change les règles d’attribution d’une dérogation pour affecter des jeunes à des travaux dangereux :
Elle s’applique non plus à chaque jeune individuellement mais collectivement au lieu d’accueil des jeunes (établissement scolaire, lieu de travail pour des stages)
La durée d’une dérogation passe de 1 à 3 ans.
L’absence de réponse de l’inspecteur du travail durant deux mois vaut acceptation de la demande.

Certes, sur le papier, existent un certain nombre de dispositions protectrices (évaluation des risques, protections individuelles, encadrement par un tuteur).
Quand on voit comment certains patrons traitent leurs stagiaires en entreprise, on peut craindre le pire.

Des adolescents
mis en danger

L’Andeva a écrit à la Direction générale du Travail, pour dénoncer les dangers de ces textes qui risquent de « mettre en danger des adolescents dont on connaît la vulnérabilité dans le monde du travail d’aujourd’hui et les situations de précarité peu propices à la prise en compte de la sécurité et de la santé. » Cette lettre est restée sans réponse. L’Andeva a donc déposé un recours en Conseil d’Etat pour demander l’annulation de ces deux décrets.


Trois niveaux d’empoussièrement

La valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) est de 100 fibres d’amiante par litre d’air sur 8 heures de travail. Elle descendra à 10 fibres par litre au 1er juillet 2015.
L’employeur doit évaluer le niveau d’empoussièrement attendu pour des travaux (art. R4412-98 du Code du travail) :

- niveau 1 : inférieur à la valeur limite d’exposition professionnelle (moins de100 fibres par litre d’air).
- niveau 2 : supérieur ou égal à la VLEP et inférieur à 60 fois la VLEP (de 100 fibres à 5999 fibres par litre d’air).
- niveau 3 : supérieur ou égal à 60 fois la VLEP et inférieur à 250 fois la VLEP (de 6000 fibres à 25 000 fibres par litre).


PLOMBIERS CHAUFFAGISTES
Les inquiétants résultats d’une enquête de l’INRS sur la conscience du risque

L’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS), en collaboration avec la Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) et l’Institut de Recherche et d’Innovation sur la Santé et la Sécurité au Travail (IRIS-ST), a étudié l’exposition à l’amiante de plombiers-chauffagistes, combinant des mesures et un questionnaire. Elle révèle une faible conscience du risque : 40 % des participants pensaient n’avoir jamais été en contact avec l’amiante !

Une profession très exposée

Cette profession a été choisie car elle travaille au contact des calo­rifuges, de
flocages, de conduits en amiante-ciment, de joints, etc.

Une campagne de mesures

Les plombiers-chauffagistes ont porté un badge passif autonome collectant les fibres par attraction électrostatique. Ce badge permet de réaliser des prélèvements sur une longue durée et de détecter des épisodes occasionnels de pollution. D’utilisation simple, il permet, par envoi postal, d’évaluer simultanément l’exposition de salariés de plusieurs PME. Cette campagne a permis de tester ce matériel innovant qui n’avait été utilisé qu’une fois en Angleterre.
22 badges sur 63 ont mis en évidence la présence d’amiante.

Les résultats du
questionnaire

Un questionnaire a permis d’évaluer la conscience du risque amiante chez ceux dont le badge avait détecté de l’amiante.
41% ont dit qu’ils n’avaient jamais été en présence de matériaux contenant de l’amiante (MCA).
63% n’ont pas mis en œuvre de moyens de prévention.
14% qui en ont pris systématiquement.
La majorité des volontaires étaient des chefs d’entreprises, avec une expérience de plus de 10 ans.
94% disaient n’avoir jamais suivi aucune formation à l’amiante.


RATP (Paris)
Quatre lignes de métro arrêtées

Le 20 décembre 2013, les lignes 2, 6, 10 et 11 du métro ont été arrêtées vers midi suite à une alerte amiante au centre de commandement qui les gère. Des milliers de passagers ont dû être évacués, des
bus de remplacement mis en place.

C’est le résultat d’un repérage amiante incomplet et d’un désamiantage non maîtrisé et inachevé de ce centre. Deux droits d’alerte avaient été posés par des élus CHSCT en mai et novembre derniers.

IMPOTS (Toulon)
Droit de retrait pour 70 agents

Le 3 décembre 2013, 70 agents du centre des impôts fonciers (2/3 du personnel !) ont exercé leur droit de retrait.
Depuis 2008, on savait qu’il y avait de l’amiante dans les dalles de sol et la colle. Rien n’avait été fait. Les syndicats (FS, Cgt 83 et FO) ont considéré que le personnel était exposé à une situation de danger grave et imminent.


Fiches
métiers
Des outils précieux

Les fiches métiers que l’INRS et la CRAMIF ont mis en ligne sur Internet sont très utiles. La note ED 4270 de l’INRS traite du métier de plombier-chauffagiste. Il y en a d’autres, par exemple  :

- Ascensoriste (ED 4271)
- Canalisateur
(ED 4272)
- Couvreur
(ED 4273)
- Electricien
(ED 4274)
- Maçon
(ED 4275)
- Peintre-tapissier (ED 4276)
- Plaquiste
(ED 4277)
- Poseur de faux plafond
(ED 4278)
- Poseur de revêtement de sol, carreleur
(ED 4279)
- Tuyauteur
(ED 4280)

Ces fiches, illustrées par des photos, ont une double utilité :
- pour l’analyse du risque et les mesures de prévention,
- pour la reconstitution des expositions professionnelles, lors de la déclaration de maladie professionnelle.


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°44 (janvier 2014)