Une adhérente de l’Andeva témoigne des souffrances endurées par son époux et de sa lutte acharnée pour faire reconnaître ses préjudices moraux et physiques. Elle a tenu a garder l’anonymat.

 

« En 1974, mon époux a appris qu’il était malade de l’amiante.
Au fil des années il a passé des examens médicaux. Il revenait à la maison très démoralisé. Il évitait d’en parler devant ses enfants mais nous avions tous les deux des conversations sur le sujet.

Il était membre du bureau d’un club de boxe. Il a dû le quitter en 1979 à cause de la fumée de cigarette (personne ne devait fumer à la maison).
Nous avions tous deux conscience de la gravité de son état de santé qui se dégradait de mois en mois.

Il s’arrêtait de travailler assez souvent. Il fallait que je m’occupe de lui, pour discuter et soutenir son moral. Il se savait pris par une maladie dangereuse.
Il lisait, il s’informait. La presse parlait de l’amiante à Jussieu et ailleurs.

Il faisait le rapprochement avec ses conditions de travail. Il calorifugeait des tuyauteries avec de l’amiante, dans une raffinerie. Il enveloppait les tuyaux avec de la toile d’amiante.

Il la cousait avec du fil d’amiante, sans protection ni information.
Il y avait aussi des matelas, des coquilles, des plaques et d’autres matériaux en amiante, qu’on découpait à la scie « guillotine »…

L’ambiance dans notre foyer était toujours tournée du côté de la maladie. Notre vie de couple se dégradait.

Je voyais bien que sa santé était de plus en plus précaire. En 1983, avant son décès, il avait perdu 12 kilos.

J’étais près de lui. Il était sous morphine deux fois par jour. Il ne pouvait plus rien faire.

Avec mes enfants nous tenions le coup pour ne pas l’obliger à voir notre détresse.

Il avait 44 ans.
Je suis restée veuve à 40 ans, et sans travail, avec un enfant de 17 ans.
Avec l’aide de l’association et du cabinet Ledoux nous avons engagé une action en faute inexcusable. Il a fallu rechercher des preuves de l’exposition à l’amiante, recueillir des témoignages de collègues de travail…

Après des années de procédure, la faute inexcusable de l’employeur a été reconnue le 22 juin 2012 par le Tribunal des Affaires de la Sécurité sociale.

Nous avons obtenu justice.

L’action avait démarré en 1998 par la remise en main propre du dossier au Directeur de la caisse primaire, accompagnée d’une manifestation et de la presse…


Article tiré du Bulletin de l’Andeva N°41 (janvier 2013)