Le parquet réclame un non lieu pour le dernier PDG d’Amisol

 

Claude CHOPIN, fils de l’actionnaire principal, a été PDG d’Amisol de juillet à décembre 1974, dans les 6 mois qui ont précédé la fermeture de l’usine.
Il a été mis en examen des chefs d’empoisonnement, voies de faits ayant entraîné la mort, homicide involontaire, coups et blessures involontaires et abstention délictueuse.

Les arguments du parquet

 

Selon le parquet, l’instruction, ouverte depuis 15 ans, constitue une violation des principes de la procédure pénale en raison de sa durée et de son manque d’impartialité.

Claude Chopin se présente comme une victime en expliquant qu’il a été « trahi » par son père.

Mais les victimes d’Amisol sont les premières à souffrir de la longueur d’une instruction entravée par l’insuffisance de moyens des magistrats et l’absence de volonté politique des pouvoirs publics.

Dans son mémoire en réponse, Jean-Paul Teissonnière rappelle que Claude Chopin était salarié depuis 1972 dans cette usine familiale où il avait fait plusieurs stages d’été.

Il ne pouvait pas ignorer la situation

 

Il connaissait l’empoussièrement massif des ateliers avant sa prise de fonction.

Il savait que l’inspecteur du travail avait mis en demeure la direction d’Amisol d’effectuer des mises en conformité pour protéger ses salariés et lancé une procédure judiciaire en référé contre l’entreprise (l’expertise eut lieu pendant qu’il était PDG).

Même Champeix, médecin du travail acquis à la direction, a dit avoir, lui aussi, sonné l’alerte.

Dès sa prise de fonction, le nouveau PDG a été confronté à une grève qui aurait dû l’alerter sur les conditions de travail, s’il ne l’était déjà. Il était PDG. Il aurait dû réagir.

A l’audience, l’Avocat Général a évoqué les difficultés de trésorerie de l’entreprise, disant qu’il ne voyait pas « quel type de mesure aurait pu être mise en place dans ces conditions et dans un laps de temps si court (…) pour assurer la sécurité des salariés » dans une usine « vouée inéluctablement à la liquidation ».

Jean-Paul Teissonnière lui a fait remarquer qu’avec un tel raisonnement il aurait sans doute trouvé normal que dans une entreprise de transport on demande à un chauffeur de conduire un bus sans frein bourré de passagers pendant 6 mois au motif qu’il n’y a pas d’argent pour les réparer et que de toute façon le bus doit bientôt être envoyé à la casse …

En réalité, le PDG avait encore le choix d’arrêter les machines, à défaut d’installer les protections nécessaires. En ne le faisant pas, il a sciemment exposé ses ouvriers à un risque mortel.


TÉMOIGNAGES

Des conditions inhumaines

 

René Wojciechowski

« Jamais nous n’aurions pu croire qu’il existait encore une usine aussi délabrée, cauchemardesque... S’il n’y avait pas eu tant de morts, nous aurions pu croire à un décor de film d’épouvante : de l’amiante partout, sur les machines, la charpente, les rebords de fenêtres, accroché aux grillages des machines, en guirlandes sur les murs, dans une atmosphère humide, graisseuse, irrespirable... ».

Alain Laffont, médecin :

« J’ai vu ce que je considérais à l’époque comme l’horreur et le retour à Zola. Les conditions d’empoisonnement sciemment entretenues par le patronat de l’usine... Aucune précaution n’était prise … il était criminel de laisser faire cela. »

Monsieur Bouige :

(membre de la chambre syndicale de l’amiante venu effectuer des prélèvements de poussières)

« Ce fut réellement un choc. C’était catastrophique : les taux d’empoussièrement étaient extraordinaires, affichant par endroit plusieurs centaines de fibres... j’ai moi-même vu les employés faire des matelas à la fourche. »

La chambre syndicale de l’amiante (qui s’opposait à l’interdiction) s’est sentie obligé de se désolidariser publiquement :

« La direction d’Amisol à Clermont-Ferrand a fait montre depuis plusieurs années d’une attitude scandaleuse. La profession la condamne »

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°41 (janvier 2013)