La Cour Suprême de Brasilia a reporté sa décision

Les procédures ont donné lieu à des audiences publiques
les 24 et 31 août auxquelles Marc Hindry a assisté pour l’Andeva. Le jugement était prévu pour le 31 octobre, mais à l’issue de la première journée de débats et explications le vote au Suprême Tribunal Fédéral brésilien (STF) les décisions concernant l’amiante ont été reportées, faute de quorum et de temps imparti à la session.

La date de la reprise des débats au STF n’est pas encore connue.

Un mélange d’inquiétude, de frustration et d’espoir

 

Seuls, deux juges ont voté

Après les plaidoiries des avocats des parties, deux juges – Dias Toffoli et le président du STF Ayres Britto – ont exprimé clairement leur souhait de valider les lois d’interdiction de l’amiante des états de Rio Grande do Sul et de São Paulo et de voter l’inconstitutionnalité de la loi fédérale d’utilisation de l’amiante.

Un autre juge, Marco Aurélio, a exprimé des vœux opposés.
Les votes d’Ayres Britto et Marco Aurélio ont été formellement enregistrés.

Ce report suscite bien sûr un mélange de frustration, d’inquiétude et d’espoir.

 

Des points de vue totalement contradictoires

Dans leurs explications détaillées, les juges se sont appuyés sur des éléments eux aussi opposés.
Dias Toffoli a principalement cité l’IARC (International Agency for Research on Cancer).

Ayres Britto a longuement cité l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

Marco Aurélio a aussi cité l’OIT mais a plutôt repris à son compte l’argumentation des industriels de l’amiante et notamment cité Jacques Dunnigan et David Bernstein – deux « experts » jadis financés par l’Institut de l’amiante chrysotile canadien et émargeant aujourd’hui auprès de l’institut du chrysotile brésilien.

 

Une occasion historique à ne pas rater

 Il est évidemment regrettable de voir l’argumentation mensongère de l’industrie minière canadienne porter des fruits au Brésil au moment même où les gouvernements du Québec et du Canada sont en train de l’abandonner (l’institut de l’amiante canadien a fermé ses portes il y a quelques mois et les mines canadiennes sont fermées).

Il serait dramatique pour le Brésil de rater une occasion historique de faire prévaloir l’intérêt général et la santé publique sur les intérêts particulier d’un unique groupe industriel (Eternit).


« Nous défendons l’amiante chrysotile »

 C’est le slogan qu’affiche fièrement sur son T-shirt un ouvrier venu avec une 30 collègues d’Eternit et de la mine d’amiante manifester devant le tribunal.

La conversation est amicale. Nous lui disons que l’amiante est dangereux et qu’en France il est interdit. Il répond que là où il travaille le risque est éliminé : (« moins d’une fibre par centimètre-cube ») comme une leçon apprise par cœur.

Nous lui demandons s’il ne préférerait pas faire du fibrociment sans amiante comme dans d’autres pays et d’autres états du Brésil. Il répond : « le fibrociment sans amiante est trop cher. Les gens ne l’achèteront pas. L’usine va fermer et je serai sans travail. »

Victime de l’intox patronale il est pris au piège d’un chantage : la santé contre l’emploi.


UN ENJEU MONDIAL

 Le Suprême Tribunal Fédéral - l’organe supérieur de la justice du Brésil - doit juger trois requêtes concernant l’amiante.

Deux demandes de la Confederação National dos Trabalhadores na Industría (en fait par les industriels de l’amiante, Eternit-Brésil et la société minière SAMA) de déclarer inconstitutionnelles les lois d’interdiction de l’amiante dans les états de Rio Grande do Sul (procédure n°3357) et de São Paulo (procédure n°3937), parce qu’elles contredisent la loi fédérale de 1995.

Dans la procédure n°4066, deux procureurs du ministère
du travail demandent de déclarer inconstitutionnelle la loi de 1995 qui réglemente l’utilisation de l’amiante pour l’autoriser de façon contrôlée (en pratique qui permet de faire à peu près n’importe quoi avec l’amiante) parce qu’elle ne respecte pas les articles de la constitution brésilienne mentionnant la santé publique et la santé au travail.

Ces jugements auront une énorme importance pour le Brésil, toute l’Amérique latine et même le monde entier. Ils interviendront dans une période ou le producteur historique d’amiante - et le menteur principal - c’est-à-dire le Canada a décidé d’arrêter la production d’amiante.


L’AMIANTE AU BRÉSIL

 Au niveau mondial, le Brésil est le troisième producteur d’amiante (après la Russie et la Chine), le deuxième exportateur (après la Russie) et le quatrième consommateur (après la Chine, l’Inde et la Russie).

La production d’amiante est concentrée sur la mine de la SAMA, dont l’actionnaire principal est le groupe Eternit.

Le marché de l’amiante a longtemps été partagé au Brésil entre Saint-Gobain (Brasilit) qui a d’ailleurs exploité la première mine d’amiante du Brésil aujourd’hui fermée et Eternit.

Depuis dix ans Brasilit produit du fibrociment sans amiante mais Eternit s’acharne a préserver « sa » mine et continue, avec la SAMA, à financer l’Institut Brésilien du Chrysotile, clone du tristement célèbre Institut du chrysolite canadien, aujourd’hui fermé.

L’usage de l’amiante est, en principe, réglementé par la loi fédérale de 1995, mais en pratique peu de précautions sont mises en œuvre, ne serait-ce que par le manque d’information de la population sur les dangers.

Plusieurs états de la fédération brésilienne ont néanmoins décidé d’interdire l’amiante : São Paulo, Rio de Janeiro, Rio Grande do Sul, Pernambuco et Mato Grosso.

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°41 (janvier 2013)