CE QUI EST POSSIBLE EN ITALIE DOIT L’ÊTRE EN FRANCE !

A Turin deux responsables d’Éternit ont été condamnés à 16 ans de prison. En France les victimes attendent depuis 16 ans que justice soit rendue !
Fin 2011 deux mauvaises nouvelles sont tombées : l’annulation des mises en examen de 6 directeurs d’Éternit et le dessaisissement de Madame Bertella Geoffroy des dossiers Éternit par la cour d’appel de la chambre de l’instruction de Paris .

Mais, dopée par le jugement de Turin, la lutte pour un procès pénal de l’amiante en France a connu un rebond : un pourvoi en cassation a été déposé contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris ; 750 nouveaux dossiers de victimes de Condé-sur-Noireau ont été déposés, et Madame Bertella-Geoffroy a mis en examen six membres du Comité permanent amiante. La lutte continue


 

ÉTERNIT

UN POURVOI EN CASSATION

En décembre 2011, la cour d’appel de la chambre de l’instruction avait annulé la mise en examen de six directeurs d’Éternit et dessaisi la juge d’instruction de ces dossiers.

Les parties civiles ont formé un pourvoi devant la cour de cassation qui devrait examiner le dossier le 12 juin. Michel Ledoux, avocat des victimes, nous en explique les raisons.

« Une décision arbitraire dénuée de fondements juridiques »

Quels sont les motifs invoqués par la cour d’appel ?

Les textes de loi invoqués par la juge d’instruction seraient imprécis et il y aurait discordance sur la période des faits et celle de l’activité des directeurs.
Cette analyse est contraire à la jurisprudence de la cour de cassation. Il y a deux ans, les directeurs et le médecin du travail de Ferrodo à Condé-sur-Noireau avaient déjà utilisé les mêmes arguments pour tenter de faire annuler leurs mises en examen. La cour d’appel de Paris (autrement composée) avait alors rejeté la demande qu’étonnamment elle accepte aujourd’hui...

Les droits des parties civiles sont-ils respectés ?

Ce n’est pas le cas. Seuls deux directeurs (Vast et Cuvelier) avaient demandé l’annulation (les autres n’avaient rien demandé).

Et pourtant la chambre de l’instruction a décidé d’annuler les mises en examen des 6 directeurs, sans même rouvrir les débats !
Les parties civiles n’ont pas pu s’exprimer sur ce sujet. Cette façon de procéder est en contradiction formelle avec la Déclaration européenne des Droits de l’homme qui précise très clairement que toutes les parties doivent pouvoir débattre de toutes les pièces.

Est-ce conforme à la Constitution ?

La rédaction actuelle de l’article 206 du code de procédure pénale permet au juge de la cour d’appel de la chambre de l’instruction qui annule des mises en examen de dessaisir le magistrat instructeur du dossier, sans obligation de motiver sa décision et sans débat. Cette disposition est contraire à l’article 16 de la déclaration des Droits de l’Homme de 1789, qui impose le respect du débat contradictoire. C’est pourquoi nous avons déposé une questions prioritaire de constitutionnalité (QPC) auprès du Conseil constitutionnel.


 

VALÉO-FERRODO (Condé-sur-Noireau)

705 NOUVEAUX DOSSIERS 

Le 4 avril, une délégation de l’Andeva et de l’Aldeva Condé-sur-Noireau avait rendez-vous avec la juge Bertella-Geoffroy. Elle a remis les dossiers de 115 victimes décédées et 590 malades de l’amiante pour qu’ils soient intégrés à la procédure judiciaire.

« Depuis 15 ans, le nombre de victimes a considérablement augmenté chez Valéo »

L’instruction pénale pour les usines Valéo-Ferrodo de Condé-sur-Noireau dure depuis 1996 : les associations se sont portées partie civile aux côtés de plusieurs victimes et familles.
Depuis cette époque le nombre de victimes a considérablement augmenté.

Prendre en compte l’ensemble des victimes

On ne peut donc juger les fautes des industriels et la responsabilité du lobby de l’amiante sans prendre en compte toute l’étendue de la catastrophe sanitaire.
L’Andeva réclame depuis des années que l’instruction du pôle judiciaire de santé publique intègre toutes les victimes et non les seuls plaignants.

Imposer une saisine globale

En accord avec cette démarche, Madame Bertella- Geffroy a demandé au parquet une saisine globale, et donc un réquisitoire supplétif (article 80 du Code de procédure pénale) pour pouvoir mener des investigations complémentaires sur toutes les victimes de Valéo connues à ce jour.

En octobre 2010, le Parquet s’y est opposé en prenant une position restrictive qui exclut de la procédure de nombreux dossiers de victimes considérés comme prescrits.
Face à ce blocage, l’Andeva, l’Aldeva de Condé- sur-Noireau et leurs avocats ont reconstitué minutieusement les dossiers de toutes les personnes décédées ou malades de l’amiante de Condé-sur- Noireau.

Le 4 avril tous se sont retrouvés à Paris pour apporter ces dossiers aux magistrats du pôle judiciaire de santé publique et demander à nouveau une saisine globale. La hauteur de la pile des 705 dossiers, véhiculés dans un caddie, confirmait la légitimité de cette demande.

 

POUR UNE SAISINE GLOBALE

Dix-huit lettres poignantes ont été adressées par des veuves de l’amiante du Nord/Pas-de-Calais à Nicolas Sarkozy. Elles réclament la tenue rapprochée d’un procès pénal pour juger ceux qui ont empoisonné leurs maris. A ce jour, elle n’ont reçu aucune réponse personnelle du chef de l’État.

Les premières plaintes ont été déposées il y a seize ans. Si l’instruction s’éternise, c’est que manquent les moyens d’instruire et la volonté politique d’aboutir.

Interpellé par deux députés UMP, Jean-Yves Cousin et Jean-Pierre Decool, Nicolas Sarkozy a assuré, par la bouche de son chef de cabinet adjoint, qu’il est « très attentif » aux préoccupations des victimes, qu’il a la « ferme volonté » de « voir respectés leurs droits »,
que « leur demande de reconnaissance d’une responsabilité pénale mérite d’être considérée », et qu’il a demandé un « examen approfondi et diligent » au garde des sceaux.

S’il avait vraiment voulu - comme il le dit - que les droits des victimes soient respectés, il se serait prononcé, sans attendre, pour une saisine globale et pour donner des moyens supplémentaires à l’instruction.

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°39 (avril 2012)