Le bilan de l’ancien directeur du Fiva était calamiteux. Le nombre de dossiers avait augmenté. Les moyens n’avaient pas suivi. Il n’avait pas réagi… Les représentants de l’Andeva et de la Fnath au conseil d’administration du Fiva avaient dû refuser de voter le budget pour obtenir des moyens accrus.

Après son départ, la nouvelle direction a affirmé sa volonté de prendre des mesures pour redresser la situation : création d’une cellule spéciale pour traiter rapidement les dossiers de plaques pleurales, mise en place d’une liaison rapide entre les associations (ou les avocats) et les juristes du Fiva, dématérialisation des dossiers…

Le temps a passé. Force est de constater que les résultats ne sont pas à la hauteur des promesses Si les délais d’indemnisation des plaques pleurales se sont améliorés, on voit régulièrement d’insupportables retards dans le traitement des dossiers de maladies graves ou d’ayants droit de victimes décédées.

« Au lieu de multiplier les procès contre les victimes, la direction du Fiva ferait mieux de consacrer son énergie à redresser la barre »

Quand on fait le point avec les associations de l’Andeva et les cabinets d’avocats de l’Andeva, tous signalent des retards et des problèmes dans la gestion des dossiers par le Fiva.

Plus d’un an pour faire une offre !

La loi donne au Fiva un délai de six mois pour faire une offre. Ce délai est souvent respecté pour les plaques pleurales. Dans les autres cas, le demandeur attend parfois plus d’un an.
« Une amie, atteinte de plaques pleurales indemnisées par le Fiva, a eu ensuite un mésothéliome. Son père est mort d’un cancer bronchopulmonaire reconnu en maladie professionnelle. Sa mère, contaminée en lavant ses bleus, avait eu, elle aussi, des plaques pleurales indemnisées par le Fiva. Le diagnostic de mésothéliome était confirmé par un examen anatomopathologique. Le dossier était complet. Et pourtant, un an après l’avoir déposé, elle est décédée sans avoir reçu d’offre ».

Délais plus longs pour les ayants droit

L’indemnisation des ayants droit est toujours plus longue que celle d’une victime.
« On a l’impression que ces dossiers ne sont pas considérés comme prioritaires, déplore une bénévole. Il y a pourtant des familles où l’épouse se retrouve seule avec ses enfants, sans avoir de quoi nourrir sa famille ».

« Il arrive que le décès survienne avant que la maladie ne soit reconnue, explique Christine. Dans ces cas-là, la victime n’a pas eu le temps d’être examinée par un médecin diligenté par la caisse. Je l’ai signalé maintes fois au Fiva. Mais il continue à demander le rapport médical d’évaluation de l’incapacité... »

Le logiciel ignore les aggravations

« Les dossiers d’aggravation ont tous du retard, explique Frédérique. Or les maladies de l’amiante sont évolutives.
Je peux citer le cas d’une victime atteinte d’asbestose : quand son état s’est aggravé, la Sécurité sociale a majoré son taux d’incapacité de 20% à 40% puis de 40% à 60%. Il a déposé deux demandes d’aggravation auprès du Fiva. Elles n’ont toujours pas été traitées ».

Christine confirme. Quand on lui signale un retard sur une demande d’aggravation, le Fiva répond que ces dossiers « ne peuvent être traités rapidement dans le nouveau logiciel. Il suppose une adaptation de la part de notre prestataire et nous ne pouvons prendre d’engagement sur des délais. »

Préjudice économique en panne

Les victimes doivent être indemnisées pour les dépenses et les pertes de revenu liées à la maladie, les ayants droit pour celles qui sont liées au décès ou à l’accompagnement de fin de vie. «  Le chiffrage du préjudice économique incombe normalement au Fiva, souligne Frédérique. Or il est très rare qu’il prenne l’initiative de faire lui-même ce calcul, s’il n’est pas saisi d’une demande chiffrée. Quand il le fait, les délais peuvent être très longs : j’ai un dossier où l’offre a pris 22 mois de retard, un autre où la demande date de 2006... »

Un agent comptable pour 40 juristes

Les règles de la comptabilité publique sont strictes. Le chiffrage doit être validé par un agent comptable. Cette validation est un véritable goulot d’étranglement. « Tous les dossiers passent par lui, constate Frédérique. Il est tout seul ! La validation du chiffrage devrait normalement se faire en deux mois. Les dossier attendent souvent deux voire trois fois plus longtemps. »

Injoignables au téléphone

Tout demandeur, qui veut savoir où en est son dossier, peut théoriquement joindre le Fiva en appelant entre 14 heures et 16 heures. « En fait, le Fiva est le plus souvent injoignable au téléphone », déplorent les bénévoles.

« Face à ce problème, le Conseil d’administration a décidé de sous-traiter l’accueil téléphonique à une plate-forme, rappelle Alain. Le remède sera pire que le mal. L’accueil de victimes gravement atteintes ou de veuves en deuil n’est pas une prestation périphérique, c’est le cœur des missions du Fiva. Il doit être fait avec humanité et compétence. »

Une communication stéréotypée

« Le Fiva demande aux associations et aux avocats de transmettre deux fois par semaine des questions écrites sous forme de tableau Excel, explique Christine. Nous avons accepté d’expérimenter cette méthode présentée comme un progrès pour les associations puisque le Fiva s’engageait à donner une réponse écrite sous 48 heures, et pour les juristes du Fiva puisque cela leur permettait de passer plus de temps à gérer des dossiers et moins de temps à répondre au téléphone. Mais on a vite vu vite les limites du système : Nous avons des réponses stéréotypées : « La demande est toujours en cours d’instruction », « Nous reviendrons vers vous dans les meilleurs délais » ...

« Autrefois nous pouvions avoir un contact direct avec les juristes du Fiva. On pouvait démêler des dossiers difficiles, se souvient Rozen. Aujourd’hui la communication s’est atrophiée. »

« On comprend les difficultés des juristes »

« La gestion des dossiers est difficile. Il faut des connaissances et de l’expérience, dit Alain. Les juristes du Fiva ne sont pas des ennemis. Nous comprenons leurs difficultés. Le Fiva ne valorise pas assez leur travail et n’a pas de vision à long terme pour construire un pôle d’expertise collective ».

Un turn over qui nuit à l’efficacité

« Nous connaissions bien les juristes de la première génération. Nous avions avec eux des rapports cordiaux . Il en reste très peu. Les plus expérimentés ont changé de poste ou ont quitté le Fiva. Il aurait fallu s’appuyer sur eux pour constituer des équipes stables et former des jeunes. Le turn over nuit à l’efficacité. »

Les problèmes s’accumulent. « Ils ne seraient pas insolubles, si la direction du Fiva prenait le temps d’écouter les doléances des demandeurs et d’accepter la concertation avec les associations. Au lieu de multiplier les actions judiciaires contre les victimes, elle devrait consacrer son énergie à redresser la barre. »

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°39 (avril 2012)