Zoé Salard est décédée d’un mésothéliome le 1er novembre 2011. Michel, son mari, travaillait chez Éternit. Elle a été contaminée en lavant ses bleus. Elle avait été indemnisée par le Fiva de son vivant.

Ce dernier a engagé une action récursoire pour obtenir que l’indemnisation soit mise à la charge de l’employeur fautif et non à celle de la collectivité des employeurs et de l’État. L’action en faute inexcusable n’étant pas possible pour une victime environnementale, c’est devant le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence que la procédure a été engagée. Un mois après son décès il a rendu justice à Zoé à titre posthume, en condamnant Éternit à payer son indemnisation.

« Mon épouse est morte d’avoir lavé mes bleus de travail. J’ai vu ses souffrances. Je me battrai jusqu’au bout. »

« J’avais 27 ans quand je suis entré en 1958 chez Éternit, un établissement installé sur le bord du canal de Caronte, sur le territoire de Martigue, explique Michel Salard dans un mémoire sur l’empoisonnement de son épouse.

« Je me suis marié le 11 juin 1960 à Port-de-Bouc avec une jeune femme de cette ville portuaire. Dès le mois d’août, je ramenais de l’usine mes bleus de travail souillés d’amiante chez moi, afin que mon épouse puisse les laver. Avant de passer à cette opération, elle prenait la précaution de les épousseter, afin de ne pas encrasser la machine à laver. Gestes mortels dont elle ignorait, comme moi-même, les conséquences funestes qui allaient en résulter. Jusqu’en juin 1979, c’est-à-dire durant un peu moins de 19 ans, chaque semaine ma conjointe s’évertuait à nettoyer mon linge de travail. »

On en prenait plein les narines

Le tableau dressé par le mémoire de Michel sur les conditions de travail dans cette usine est accablant : l’atmosphère des ateliers saturée de fibres dangereuses, l’amiante en vrac dans des sacs en toile de jute, le nettoyage à sec des machines et des manches à air qui soulevait des nuages de poussières et l’ignorance du danger nourrie, jour après jour, par les mensonges de la direction et le déni systématique du médecin du travail.

« Les ouvriers en prenaient plein les narines et lorsque leurs huit heures de travail se terminaient, la plupart étaient couverts de fibres d’amiante et de poussière de ciment et s’en retournaient dans cet état chez eux… Les bleus que nous portions étaient fournis par l’entreprise, ils n’étaient pas adaptés. Leur toile retenait les fibres d’amiante. »

« Eternit n’est pas une laverie »

« Pendant des années les délégués du personnel et le comité hygiène et sécurité ont réclamé que nos bleus soient lavés par l’employeur, se souvient Michel. Il refusait en disant : « Éternit n’est pas une laverie »...
Aujourd’hui les victimes sont nombreuses chez les salariés, mais aussi dans leur propre famille.

« J’ai travaillé 22 ans chez Éternit Caronte au contact de l’amiante. 29 ans après la fermeture de l’usine, mon épouse a eu un mésothéliome. Je l’ai accompagnée. J’ai vu ses souffrances. Je veux que les responsables soient jugés et condamnés au pénal. J’irai jusqu’au bout. »

 

LES ATTENDUS DU JUGEMENT

 « Il résulte des diverses attestations, des photographies et des procès-verbaux de réunions d’organismes professionnels au sein de la société Éternit que Madame Salard a été exposée aux poussières d’amiante durant de nombreuses années en secouant et lavant les vêtements de travail de son époux salarié de la société Éternit de 1960 à 1979 »

« La société Éternit exerçant une activité industrielle sur le traitement des fibres d’amiante, produit toxique et dangereux pour la santé des personnes exposées doit être considérée comme ayant la garde par l’usage, la direction et le contrôle des poussières d’amiante dégagées par son activité puis transportées par Monsieur Salard à son domicile et inhalées par son épouse chargée de l’entretien de ses vêtements professionnels. »

« En conséquence la société Éternit doit être considérée comme responsable sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1 du Code civil »

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Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°39 (mai 2012)