Lorsqu’un médecin repère une tumeur de la plèvre, l’enveloppe du poumon, il suspecte un cancer. Pour valider ce diagnostic il fait une biopsie sur la tumeur et envoie les prélèvements (des lames conservées dans la paraffine) à un service d’anatomopathologie. Celui-ci réalise un examen immuno-histochimique à l’aide de divers marqueurs biologiques, qui permettent de savoir si la tumeur est ou non cancéreuse. Si elle l’est, cet examen permet aussi de savoir s’il s’agit d’un cancer primitif de la plèvre ou d’une métastase (le cancer primitif étant né sur un autre organe). L’interprétation des images au microscope est délicate.
Elle nécessite l’avis de plusieurs spécialistes. Les délais de retour étaient jusqu’ici très longs. Une innovation technique permet de les raccourcir. Le professeur Galateau-Sallé, expert anatomopathologiste au CHU de Caen, nous explique comment.

FRANÇOISE GALATEAU-SALLÉ (Groupe Mésopath de Caen)

 

« Le délai moyen pour recueillir trois avis d’experts passera
de 177 jours à 5 jours »

En quoi consiste cette innovation technique ?

Nous avons mis au point une plate-forme d’imagerie virtuelle permettant une télé-expertise. Elle permet de scanner des images obtenues au microscope et de les envoyer à des experts.

Nous avons travaillé cinq ans sur ce projet.

Comment cela se passe-t-il concrètement ?

Les lames sont scannées à Caen, puis envoyées à trois experts, qui reçoivent un mail leur proposant un cas à examiner.
Comme ils peuvent être absents ou occupés, chacun a deux jours pour accepter. Passé ce délai, l’envoi est dirigé de façon aléatoire vers un autre expert.

Celui qui accepte a huit jours pour répondre.

Le gain de temps est considérable.

Oui, avec ce nouveau système, nous passons d’un délai moyen de 177 jours pour recueillir trois avis d’expert à un délai moyen de 5 jours.
Il nous est même arrivé d’avoir en 20 minutes trois avis d’experts qui étaient connectés et disponibles à l’arrivée du message !

Ce gain de temps devrait avoir des retombées positives en matière de diagnostic et de délai d’indemnisation.

Oui. Il aura aussi des conséquences dans le domaine de la recherche, car il nous permettra d’améliorer la connaissance de formes inhabituelles de la maladie.

Cette technique est-elle déjà opérationnelle ?

Oui. Depuis juin 2011 nous avons scanné plus de 365 cas (près de 3500 lames). Il y aura encore des mises au point à faire, mais nous ne travaillons déjà plus que comme cela.

Y a-t-il encore des demandes non traitées ?

Il nous faudra sans doute 4 à 5 mois pour rattraper tout le retard. À partir de la rentrée nous devrions pouvoir fonctionner à flux tendu.

Quels sont les résultats de vos avis ?

70% des cas qui nous sont adressés sont validés, 15% sont incertains, 15% sont exclus. Les cas difficiles sont traités collectivement dans une réunion de dix experts à Paris.

Qu’apportera le projet financé par l’INCa ?

Une concertation pluridisciplinaire entre cliniciens et anatomopathologistes permettra d’affiner les avis sur les cas difficiles, en prenant en compte l’histoire médicale du patient, les données d’expositions et les résultats des examens anatomopathologiques.
Cela devrait permettre d’améliorer la connaissance et la prise en charge des formes inhabituelles de la maladie.


Articles tirés du Bulletin de l’Andeva n°39 (mai 2012)