Monsieur le Président de la
République,

Depuis votre prise de fonction, vous avez, à plusieurs reprises, manifesté publiquement votre émotion et votre soutien à plusieurs victimes d’actes délictueux ou criminels. Ces témoignages semblent montrer votre attachement à ce que la nation se préoccupe de celles et ceux que la société n’a pas su protéger, qu’elle reste attentive à leur devenir, mais aussi à ce que la justice fasse son œuvre rapidement.

Aussi, nous nous permettons d’attirer votre attention sur le sort des victimes de l’amiante.
Elles aussi sont des victimes d’actes délictueux, commis en premier lieu par des industriels. Ces derniers connaissaient la cancérogénicité de ce matériau mais ils se sont organisés au plan national et international pour en masquer les dangers et prolonger une exploitation très rentable. Les responsabilités sont également à rechercher du coté d’employeurs peu scrupuleux de la santé de leurs employés et qui n’ont pas respecté la réglementation hygiène et sécurité du code du travail. Enfin, la défaillance des pouvoirs publics et des autorités sanitaires qui n’ont rien fait pour empêcher une catastrophe de cette ampleur, alors que les risques étaient bien connus.

Dés lors, vous comprendrez, nous en sommes certains, la colère et l’incompréhension des malades, et de leurs familles face à la lenteur de la justice et aux errements de l’indemnisation. Elles attendent une réparation équitable et veulent que les responsables soient jugés.
Dix ans après notre premier dépôt de plainte, nous sommes toujours en attente d’un procès pénal. Pour l’instruction d’une affaire aussi vaste et complexe, nous demandons que soient donnés davantage de moyens au pôle de santé publique.

Nous sommes toujours interloqués face aux écarts démesurés en matière d’indemnisation, d’une juridiction à une autre, voire d’une audience à une autre, pour des personnes ayant la même pathologie, les mêmes atteintes fonctionnelles, et qui ont été contaminées dans la même entreprise. C’est le message que nous avons fait passer au cabinet de Madame la Garde des Sceaux. Nous espérons être enfin entendus.

En cette rentrée, nous avons également un sujet d’inquiétude majeur : le devenir de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (Acaata). Depuis des années, nous attirons l’attention des pouvoirs publics sur les limites d’un dispositif, dont certaines catégories de salariés comme les travailleurs du bâtiment sont exclus, alors que c’est dans ce secteur qu’il y a le plus grand nombre de victimes. Nous avons fait des propositions pour corriger cette injustice. Malgré cela, le ministère du travail envisage de restreindre encore l’accès à l’Acaata. Pourtant la majorité des acteurs politiques et sociaux admet aujourd’hui que les travailleurs ayant connu des conditions de travail susceptibles de réduire leur espérance de vie doivent partir plus tôt en retraite. Assurément les expositions à l’amiante entrent dans cette catégorie. Refuser ce principe, c’est admettre implicitement que la mort précoce des uns financera les retraites de ceux qui en profiteront plus longtemps.

Enfin, les victimes de l’amiante veulent que soient tirées les leçons de cette catastrophe, pour que leurs enfants ne vivent pas à leur tour de pareils drames. La prévention des risques professionnels, en particulier du risque cancérogène, est une préoccupation constante de notre association. Nous nous sommes beaucoup impliqués dans l’évolution de la réglementation. Elle a progressé. Malheureusement, nous le savons, les textes ne sont pas appliqués. Faute de contrôles efficaces et de sanctions dissuasives, aujourd’hui encore, des hommes et des femmes sont contaminés par l’amiante. Ce n’est pas acceptable.
Rendre le droit du travail plus effectif était l’une des priorités du plan santé travail. Nous souhaitons vivement que ce volet-là soit enfin mis en œuvre.

Le 13 octobre prochain, nous manifesterons à Paris, aux cotés des victimes de la Fnath, pour défendre ces revendications, mais aussi pour rappeler que les associations de victimes ont leur mot à dire. Dans le domaine de la santé au travail, la concertation se limite aux seuls partenaires sociaux. Le dernier accord sur la prévention et la réparation des risques professionnels, signé par trois organisations syndicales et le patronat, remet en cause les évolutions de la jurisprudence en matière d’indemnisation (faute inexcusable de l’employeur) que nous avons obtenues au terme de milliers de procédures judiciaires. Nous ne sommes pas prêts de l’accepter.

Monsieur le président de la République, chaque année 3000 personnes meurent de l’amiante. Nous comptons sur votre soutien et sur des réponses positives à nos demandes.
Dans cette attente, nous vous prions d’agréer, Monsieur le président de la République, l’expression de notre considération.

François DESRIAUX
Président de l’Andeva


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva N°24 (septembre 2007)