Réunie en formation plénière le mercredi 11 septembre 2019, la Cour de cassation a confirmé l’ouverture du droit au préjudice d’anxiété à toutes les entreprises pour toutes les substances toxiques et nocives. Elle examinait les recours déposés par 39 cheminots marseillais, 17 marins et 732 mineurs de Lorraine. Elle confirme ainsi la jurisprudence initiée par l’arrêt de l’assemblée plénière de la Cour du 5 avril dernier. Le collectif national regroupant l’Andeva, la Cavam, la Fnath, les syndicats de l’énergie CGT et le syndicat national des mineurs et du personnel du régime minier CFDT ainsi que le cabinet d’avocats TTLA se félicitent de cette confirmation et de cette avancée.
Pour François Dosso de la section CFDT des mineurs de Lorraine, les arrêts de ce jour de la Cour de cassation vont faire date dans l’histoire sociale en ouvrant de nouvelles perspectives. En premier lieu parce qu’ils cassent l’arrêt de la Cour d’appel de Metz, jugement catastrophique pour les mineurs en particulier mais aussi pour les salariés en général, et que, ce faisant, elle dit une chose très importante : si des salariés sont exposés à un produit nocif ou toxique générant un risque de développer une pathologie grave, quel que soit leur statut et celui de leur entreprise, il ont le droit de demander la reconnaissance d’un préjudice d’anxiété, à condition cependant d’en démonter l’existence.
Cet arrêt ouvre donc le préjudice d’anxiété qui était jusque-là réservé aux exposés à l’amiante, à toutes les personnes exposées à des produits toxiques et nocifs. Il va même au-delà des demandes des demandeurs, associations et syndicats, qui portaient essentiellement sur les produits cancérogènes.
Pour exemple, rappelons que, hormis leurs expositions à l’amiante ou à la silice, les anciens mineurs de Lorraine détiennent un record dont ils se passeraient bien : un taux de cancers du rein pour les expositions à trichloroéthylène 1700 fois plus élevé que la moyenne nationale !
La Cour de cassation dit également que la Cour d’appel n’avait pas regardé de manière suffisamment approfondie si les employeurs concernés avaient respecté leurs obligations de sécurité de résultat.
C’est un fait important car, ainsi que le rappelle François, le combat des mineurs ne consistait pas seulement à faire reconnaitre les expositions des salariés, mais aussi les fautes des employeurs et que le préjudice d’anxiété n’était pour eux qu’un moyen d’y arriver.
Il considère que les paroles du Directeur général du travail après les audiences du 22 mars et du 20 juin 2019 furent à cet égard déterminantes. Interrogé par l’avocat générale sur la question de l’exposition à d’autres cancérogènes avérés, celui-ci avait déclaré : « L’extension du champ rationae materiae du préjudice d’anxiété ouvrant droit à réparation est admissible en droit, tant du point de vue du principe de réparation intégrale du préjudice subi par une victime que du point de vue de l’égalité de traitement entre victimes, exposées à des produits engendrant des dangers comparables, de nature à porter une atteinte très grave à leur santé à moyen ou long terme. »
Pour Alain Bobbio, secrétaire nationale de l’Andeva, c’est une double injustice qui vient d’être corrigée par les arrêts d’avril et de septembre. En avril, la Cour de cassation avait ouvert à toutes les victimes de l’amiante un droit qui était jusque là limité aux salariés et anciens salariés des entreprises ouvrant droit à l’Acaata ; en septembre, elle a ouvert ce même droit aux salariés et anciens salariés exposés à d’autres produits toxiques pouvant provoquer des dommages de gravité équivalente.
L’essai doit maintenant être transformé devant la cour d’appel de Douai devant laquelle le dossier est renvoyé.