L’état d’urgence sanitaire n’abolit pas l’obligation de sécurité imposée par le code du travail au chef d’entreprise

Les employeurs ne sont pas responsables de la pandémie du Covid-19. C’est entendu. Mais ils ont à l’égard de leurs salariés une obligation de sécurité qui leur incombe sur le fondement des articles L.4121-1 et suivants du Code du travail1.

Une évaluation obligatoire des risques professionnels

Dans une situation  d’état d’urgence sanitaire, ils doivent évaluer les risques professionnels particuliers que courent ces derniers dans une période particulière où la maladie et la mort peuvent survenir après un simple contact avec un collègue ou un client « porteur sain » du virus.

Cette évaluation doit être faite en concertation avec les représentants du personnel, en convoquant une réunion du Comité social et économique (CSE). Cela peut nécessiter de profondes modifications dans l’organisation du travail (télétravail, aménagements d’horaires, contacts avec le public, déplacements...)

Cette évaluation et ces mesures de prévention doivent être consignées dans le document unique d’évaluation des risques (DUER), dont la réalisation est une obligation réglementaire de l’employeur.

Ce n’est pas la seule. Il a aussi une obligation d’information des salariés sur les mesures de prévention à appliquer et de formation sur leur mise en oeuvre.

La Poste, Amazon et Renault condamnés par la Justice

En mars-avril 2020, des organisations syndicales et des associations, estimant que le non respect de ces obligations mettait les travailleurs en danger, ont saisi en référé le tribunal judiciaire (La Poste, Amazon, Renault). à chaque fois, les magistrats leur ont donné raison. Ils ont mis en demeure ces sociétés de réaliser rapidement une évaluation des risques liés au virus, en concertation avec les organisations syndicales. Ils ont demandé une délimitation claire pour la poursuite des activités jugées « essentielles à la vie de la Nation ». En situation d’urgence sanitaire, ils n’ont pas hésité à imposer une lourde astreinte, voire la fermeture provisoire d’un établissement.

Un rappel au respect de la vie humaine

Ces ordonnances de référé sont un puissant rappel à l’ordre.

Quand la vie de dizaines de milliers d’êtres humains est menacée par la propagation du virus,  la poursuite ou la reprise de l’activité d’une entreprise ne saurait se faire au prix d’une mise en danger des salariés.

La loi doit être respectée.

Ce rappel à l’ordre est important, car  nous n’en avons pas fini avec le Covid et nous ne sommes pas à l’abri d’autres pandémies.

Dans ce contexte, les déclarations de la ministre du Travail (« toutes les conditions sont réunies pour la reprise de l’activité ») et le vote par le Sénat d’un amendement visant à déresponsabiliser pénalement les employeurs sont inquiétants.

S’il y a une leçon à tirer de cette crise, c’est bien que la santé doit passer avant le profit.

 

1) Voir la Semaine sociale Lamy du 27 avril 2020 sur les obligations et prérogatives de l’employeur au temps du Covid-19 (p.4-15)


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°63 (juin 2020)