Quatre semaines après le début du confinement, la direction de La Poste n’avait toujours pas procédé à une évaluation des risques professionnels spécifiques liés à la pandémie de Coronavirus. La fédération Sud PTT a esté en justice pour que les choses bougent. Le jeudi 9 avril dernier le tribunal a condamné la Poste à faire cette évaluation et aux dépens.

Le 25 mars, Sud PTT saisit le tribunal judiciaire de Paris par un référé d’heure en heure. La veille, l’Assemblée a voté une loi d’urgence sanitaire. Le confinement est en vigueur depuis une semaine. Le gouvernement incite au télétravail et n’encourage que les activités « essentielles à la Nation ». 

Une pandémie galopante

Ce jour-là, la France compte 231 nouveaux décès en milieu hospitalier. 15 jours après, il y en aura 605 (sans compter les EHPAD).

Les 250 000 agents de La Poste sont, comme d’autres, confrontés à  « une véritable explosion de propagation infectieuse potentiellement mortelle (...) de manière totalement aléatoire et particulièrement anxiogène » dira l’ordonnance de réféfé qui souligne qu’il était « dangereux pour la santé des postiers de s’affranchir d’un certain nombre de précautions spécifiques pour effectuer des opérations aussi usuelles que trier le courrier, le distribuer, manipuler les colis, les distribuer, faire signer des lettres recommandées, nettoyer le matériel, accéder aux points de remises, en sortir, réaliser des opérations au guichet ou travailler dans des bureaux de poste restés ouverts au public ».

Une situation de crise

Au 31 mars 2020 Sud PTT aura recensé par ses propres moyens 794 suspicions de coronavirus, 180 cas avérés et 18 hospitalisations parmi le personnel de La Poste.. 

Dans cette situation de crise  la direction de la Poste aurait dû faire une évaluation des risques professionnels spécifiques dus au coronavirus.

Elle aurait dû réunir la Médecine du travail et les représentants du personnel pour élaborer avec eux des mesures particulières pour protéger le personnel.

Or La Poste a manifesté un très fort « retard à l’allumage ».

C’est pour débloquer cette situation que la fédération Sud PTT a décidé d’aller en justice.

Les décisions du tribunal

L’ordonnance de référé du 9 avril a donné raison au syndicat sur l’essentiel.

Elle  a rappelé à la direction de La Poste « son obligation spécifique d’élaboration d’un document unique (DUER) »  et lui a ordonné « d’élaborer et de diffuser ce document dans les meilleurs délais », en associant la médecine du Travail, le CSE et les représentants du personnel. Cette injonction découle de l’article L.4121-2 du Code du travail.

Elle détaille avec précision le contenu, le champ d’application et les conditions d’élaboration du document unique.

L’employeur devra recenser les activités postales jugées « essentielles à la vie de la Nation ».

Il devra actualiser le DUER en prenant en compte les risques professionnels spécifiques liés à la pandémie.

- Cette remise à jour devra se faire en concertation avec la médecine du travail et les représentants du personnel au Comité social et économique (CSE).

- Le DUER devra contenir des mesures de prévention générales au niveau de l’entreprise (distanciation, protections individuelles, gel hydroalcoolique),  mais il devra aussi les décliner très précisément secteur par secteur, métier par métier pour tenir compte de la réalité des situations de travail.

L’employeur devra aussi dresser l’inventaire des mesures adoptées lorsque des infections ont été signalées, qu’elles soient avérées ou suspectées. ;

Enfin le DUER devra s’appliquer non seulement au personnel de La Poste, mais aussi au personnel de la société sous-traitante Mediapost ainsi qu’aux intérimaires et aux CDD.

Sud PTT a salué cette victoire dans un communiqué : « Pandémie ou pas, la direction de La Poste ne peut donc s’abstraire de ses obligations en matière de droit du travail.»


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°63 (juin 2020)