A Marseille, pendant le confinement, des bâtiments amiantés ont été démolis sans précaution, à quelques mètres d’une école maternelle.  Les enseignants, les agents d’entretien, les parents d’élèves ont réagi, avec l’aide de l’association AVALÉ 13 et de l’Andeva. Les travaux ont été stoppés. Des mesures de prévention ont été prises.

L’Ecole Felix Pyat à Marseille aurait dû, comme beaucoup d’autres en France, accueillir des élèves dès le lundi 11 mai. Mais l’amiante a perturbé le planning !

Une démolition à hauts risques

Cette école, comme le Collège Versailles, se trouve dans le troisième arrondissement de Marseille, l’un des plus pauvres de France.

Une rénovation du quartier était prévue de longue date. Il s’agissait de mettre à terre des immeubles vétustes de la rue Guichard pour laisser la place à des logements sociaux.

En novembre 2019, une réunion publique pour informer les riverains avait été organisée par la SOLEAM, société publique locale au service de la ville de Marseille, avec l’entreprise chargée des travaux.

Des délégués des parents d’élèves et des enseignants étaient présents.

La présence d’amiante dans ces bâtiments avait été évoquée. Les responsables avaient assuré que les travaux auraient lieu pendant les congés scolaires et que toutes les précautions seraient prises pour empêcher la dissémination des poussières.

Toutefois enseignants et parents avaient appris l’absence de repérage amiante dans au moins un des immeubles voués à la destruction. Et, quand ils avaient demandé à consulter le dossier technique amiante (DTA), ils s’étaient heurtés à un refus.

Des engagements non tenus

Cinq mois plus tard, en pleine période de confinement Covid19, les travaux commencent le 27 avril. A la pelleteuse et sans aucune protection pour les salariés, le chantier lui-même étant à peine balisé.

Comme les vertueux engagements pris six mois plus tôt semblent loin ! 

(La période du confinement est une aubaine pour les  patrons peu scrupuleux du BTP qui bafouent la sécurité sans témoins)

Les employés municipaux présents dans l’école pendant cette période constatent avec effroi les énormes quantités de poussières dégagées par les travaux. Des poussières qui entrent massivement dans les logements alentours et se déposent dans la cour et les salles de classe, comme le montre une vidéo tournée le 28 avril à proximité du chantier par un parent d’élève alors qu’un vent  violent souffle dans la zone.  

La presse est alertée

L’alerte est aussitôt donnée par la directrice et des enseignants.

Ils font un communiqué pour dénoncer les conditions de ce chantier et demander des comptes à la SOLEAM. En même temps ils préviennent
AVALÉ 13, association marseillaise affiliée à l’Andeva.

« Nous avons bien sûr réprimandé la société chargée des travaux, assure l’adjoint au Maire Gérard Chenoz.

La poussière que l’on a pu observer à un moment donné n’a pas lieu d’être.

Quand le vent souffle comme ça, on arrose ou on arrête purement et simplement le chantier. » 

L’AVALÉ 13 intervient

Nathalie Laclau, présidente de l’association, raconte : « Après un premier reportage sur France 3 et un communiqué de presse de l’équipe enseignante, nous avons envoyé, en accord avec la directrice et les professeurs, un courrier à la Direction du travail, ainsi qu’à Laurent Roubin, l’ingénieur prévention de la Carsat du Sud-Est.

Avec Emmanuel Roy, coanimateur du site Urgence - Amiante - Ecoles, nous souhaitions faire des prélèvements sur lingettes pour rechercher la présence éventuelle de poussières d’amiante. Didier Faure, de la commission Prévention de l’Andeva, nous a donné des conseils techniques sur la manière de les pratiquer afin que ceux-ci soient inattaquables. »

Le personnel municipal se rebelle

Le lundi 4 mai, dans toutes les écoles de Marseille, le personnel municipal était convoqué pour faire les grands nettoyages des locaux avant la reprise des écoles le 11 mai.

Faire le ménage à Felix Pyat, dans une école potentiellement polluée par des poussières d’amiante ? C’est inenvisageable !

Les syndicats représentant les personnels municipaux ont été contactés. Ils se rapprochent du personnel à l’embauche le lundi matin, dans l’éventualité d’un droit de retrait.

Les journaux locaux ont été prévenus et conviés à se rendre sur les lieux dès le lundi.

Le directeur de l’éducation à la ville de Marseille a été informé. Ordre est finalement donné aux personnels municipaux de ne rien toucher et de se confiner dans leur local, loin du chantier, en attendant les consignes.

Dès le matin Nathalie Laclau et Emmanuel Roy sont sur place pour soutenir les employés, aux côtés d’enseignants de l’école.

Des prélèvements de poussières par lingettes sont réalisés sur les murs pour analyse.

Ils en profitent pour aller visiter le chantier. « Ce n’était pas compliqué puisqu’il n’était protégé que de quelques barrières qu’il suffisait de pousser, ce que des riverains faisaient quotidiennement pour pouvoir rentrer chez eux », nous confie Nathalie.

Des journalistes de La Provence (principal quotidien de Marseille et sa région) sont  sur les lieux pour faire des photos et rendre compte de la situation.

Suite aux premières alertes, le chantier est à présent  arrosé par jet d’eau et brumisateur pour éviter « l’effet de nuage ». Les ouvriers du chantier ont également été dotés de combinaisons et de masques. Restent deux bennes de déchets amiantés ouvertes à tous les vents qui continuent à répandre les fibres dans les environs.

Le chantier est arrêté

Mardi 5 mai, Laurent Roubin, ingénieur prévention de la Carsat Sud Est, se rend sur place. Le chantier est arrêté jusqu’à nouvel ordre.

Le représentant de la SOLEAM  reconnait « un raté au niveau de la brumisation qui n’envoie pas assez d’eau ».

La SOLEAM s’engage à prendre en charge le nettoyage de l’école avec la Mairie et reconnait des « dysfonctionnements » de l’entreprise de démolition.

Le personnel municipal est transféré dans une autre école. L’inspecteur de l’éducation nationale confirme l’impossibilité de tenir la rentrée du 11 mai dans l’école.  

Une désinfection « spécial COVID»

Deux jours plus tard, les extérieurs sont balayés et nettoyés à l’eau en présence d’un huissier. Une désinfection « spéciale Covid » est également pratiquée durant le week-end qui suit.

Le 12 mai, une réunion est organisée avec un inspecteur du travail. Le chantier est à l’arrêt, les gravats sont évacués et des pompes de mesure d’air en état de marche sont laissées sur place pour effectuer des prélèvements dans la cour. Aucune trace d’amiante ne sera retrouvée, ce qui n’est pas étonnant dans ces circonstances (chantier arrosé et vent violent).

Le 14 mai, les enseignants et le personnel qui avaient effectué la reprise du lundi 11 dans une autre école réintègrent Félix Pyat. Pas encore de nouvelles de la réunion  avec l’inspection du travail.

Le 18 mai, les résultats des prélèvements sur lingettes transmis à l’Andeva arrivent enfin. Ils sont négatifs et ne contiennent aucune trace d’amiante. De quoi rassurer personnel, enseignants et parents d’élèves.

Reste que sans l’intervention des enseignants  et de l’Avalé 13, rien n’aurait sans doute bougé et le chantier se serait poursuivi dans les mêmes conditions.


L’Avalé 13, l’Association des victimes de l’amiante dans les locaux de l’Éducation des Bouches-du-Rhône. est l’une des dernières associations créées au sein du réseau de l’Andeva. Très active, elle exerce principalement son action dans le domaine de la prévention des risques liés à l’amiante dans les établissements scolaires.

Le thème de l’amiante dans les écoles a pris une place importante dans l’action de l’Andeva  ces dernières années. C’est la première fois qu’une association locale se crèe sur ce thème.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°63 (juin 2020)