Les juges de Turin ont solidement motivé la condamnation à 4 ans de prison du PDG des usines italiennes Eternit

En mai 2019 le tribunal pénal de  Turin a  condamné Stephan Schmidheiny à 4 ans de prison suite au décès d’un ouvrier  en 2008 et d’une habitante en 2012 contaminés par l’amiante de l’usine de Cavagnolo. En Italie, les juges ont coutume de publier d’abord le verdict, puis - dans un second temps - les attendus du jugement. C’est ce que vient de faire le juge turinois Trevisan, un an et demi après le verdict. Les attendus démontrent la responsabilité pleine et entière du magnat suisse dans ces décès et soulignent en termes très durs la gravité de ses fautes.

Avec une impressionnante minutie, le juge Trevisan restitue la cohérence de la politique menée par le milliardaire suisse. Il  était « bien conscient du danger de l’amiante »,  mais, « exclusivement guidé par la recherche du profit »  il a continué cette production, en assumant « les coûts humains et environnementaux pour les populations et les communes qui accueillaient les usines Eternit. »

La ville de Cavagnolo était  « entièrement  recouverte d’une couche de fine poussière d’amiante qu’avec une insensibilité insensée l’usine répandait à l’extérieur de l’établissement. Une poussière qui recouvrait les bleus de travail ramenés à la maison par les ouvriers et qu’on retrouvait dans les eaux usées et les rebuts de production.. »

Le juge relève chez le magnat suisse une « absence totale de souci des êtres humains et de l’environnement » qui « malgré l’importance de ses moyens financiers l’a conduit à ne pas prendre des mesures de prévention même limitées que la science et la technique  de l’époque connaissaient déjà. »

Schmidheiny « a décidé de ne faire que les investissements qui permettaient des gains de productivité. On savait dès cette époque que, tôt ou tard, l’amiante allait être interdit. Sa ligne de conduite était de faire du profit le plus longtemps possible en fabriquant un matériau toxique, avant qu’il ne soit définitivement interdit (ou que des mesures de prévention trop contraignantes ne soient adoptées par les pouvoirs publics) ».

Le juge évoque  une « campagne de désinformation orchestrée par Schmidheiny lui-même » et des « instructions détaillées données aux chefs d’établissements » sur la façon de répondre aux inquiétudes croissantes sur la toxicité du produit.

« En fermant ses usines, il les a abandonnées en l’état. Il n’a jamais prévu de contribuer financièrement au désamiantage des sites. »

Schmidheiny sera jugé pour « homicide coupable multiple » (omicidio colposo plurimo). La « prévision de l’événement» est retenue en tant que circonstance aggravante. Cette notion importante, permet de cerner la spécificité d’un homicide volontaire commis par un industriel : son auteur n’est pas guidé par la volonté de tuer quelqu’un, mais par celle de faire du profit. Il connaît le danger de son activité et prévoit qu’elle va causer non pas un mais de nombreux morts chez les ouvriers et les riverains. Et il assume ces conséquences en pleine connaissance de cause.

Merci à Claude Carrer, du syndicat suisse Unia, pour ces informations issues de son article : https://www.
hse.gov.uk/services/education/
asbestos-faqs.htm


Où en sont les procès ETERNIT-BIS ?

Stéphan Schmidheiny, PDG et propriétaire des quatre usines italiennes Eternit, sera jugé par quatre juridictions différentes pour avoir causé la mort d’ouvriers et de citadins contaminés par l’amiante de ses quatre usines de Casale, Cavagnolo, Reggio Emilia et Rubiera.

Alors qu’en France, les  juges d’instruction et le Parquet font tout pour éviter que les responsables ne rendent des comptes à la justice, leurs homologues italiens confirment la responsabilité du magnat suisse de l’amiante-ciment et la gravité de ses fautes.

En 2019, le tribunal de Turin l’avait  condamné à quatre ans de prison suite à la mort d’un ouvrier et d’une habitante de Cavagnolo.

Le jugement indique que Schmidheiny a exploité un matériau qu’il savait mortel « dans le seul but de faire du profit », avec « une absence totale de souci des êtres humains et de l’environnement ». Il a fait  appel.

Le 27 novembre 2020, les dossiers de 392 victimes de Casale Monferrato devraient être plaidés à  la Cour d’Assises de Novare. Un troisième procès aura lieu à Naples pour l’usine de Bagnoli et un quatrième à Regio Emilia pour celle de Rubiera.


20 femmes qui défient le monde

«L’Histoire de Giuliana Busto est l’histoire d’une femme qui a fait d’une douleur privée le moteur d’une lutte  pour défendre les droits de tous contre l’injustice. »

C’est par ces mots que commence le portrait de la présidente de l’Afeva, dans un émouvant documentaire de 20 minutes qui prend place dans une série intitulée : « 20 portraits de femmes qui défient le monde ».

Vingt épisodes, vingt femmes diverses dont le dénominateur commun est de combattre quotidiennement contre les préjugés, les obstacles, la violence, l’injustice...

Avec des mots simples, Giuliana raconte la maladie de Piercarlo, son frère, emporté à 33 ans par un mésothéliome pleural provoqué par les fibres mortelles déversées sur la ville de Casale par Eternit, une grande usine d’amiante-ciment, dans laquelle il n’avait jamais mis les pieds.

« C’était un sportif.  Il était plein de vie. Il venait de se marier, il avait une fille de deux ans et projetait d’avoir un autre enfant lorsqu’il a été fauché par la maladie. Elle l’a emporté en cinq mois. Cinq mois durant lesquels nous avons tous été à ses côtés. »

Après le décès de son frère, Giuliana se mobilise et s’engage dans une lutte collective des ouvriers et de la population de Casale qui va durer plusieurs décennies.

Le combat continue. « Je n’ai peur de personne, dit Giuliana, parce que je sais que ce que je fais est juste.»

 Pour voir le film
(en italien) :

https://www.youtube.com/tch?v=
04Q8wPsiTJk


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°64 (novembre 2020)