Au moment de déposer ce numéro du Bulletin de l’Andeva chez l’imprimeur, nous ne connaissons pas encore les arrêts que rendra la cour de cassation dans les dossiers emblématiques de Condé-sur-Noireau, Jussieu, Normed ou Amisol.

Ce que nous savons très bien par contre, c’est que les victimes et les familles qui réclament depuis bientôt deux décennies que tous les responsables soient jugés, n’en peuvent plus d’attendre.

Appuyée par le parquet, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris continue son formidable tir de barrage contre la mise en examen des principaux responsables de cette tragédie.

A ce stade, il ne s’agit pas encore de juger sur le fond mais seulement de vérifier si les mises en examen prononcées par les juges d’instruction reposent sur des « indices graves et concordants » de l’existence de fautes pénales.

Dans les volumineux dossiers de ce procès, des milliers de documents, de témoignages, de procès-verbaux confirment l’existence de tels indices : pour les employeurs qui n’ont ni informé ni protégé leurs salariés, pour les industriels de l’amiante qui ont sciemment dissimulé les effets de ce matériau mortel et fait pression sur les pouvoirs publics pour retarder son interdiction ou pour les lobbyistes qui chantaient les vertus de l’amiante « fibre de la terre » au sein du Comité permanent amiante.

Les arguments spécieux utilisés pour justifier l’annulation des  mises en examen ou le non lieu méritent attention. Non seulement parce qu’ils reflètent une ignorance crasse de la genèse des pathologies liées à l’amiante, mais aussi parce qu’ils pourraient - s’ils étaient retenus - conduire, au-delà de l’affaire de l’amiante, à l’impunité des responsables de tous les crimes industriels passés et à venir.

Pour les victimes et les familles éprouvées par la maladie ou le deuil, la fonction première d’un procès pénal de l’amiante n’est pas la vengeance. Elle est de tirer  tous les enseignements d’un désastre sanitaire pour éviter que les générations futures n’en connaissent de semblables.

En sanctionnant les fautes commises, la Justice peut et doit envoyer à l’ensemble du corps social un message fort rappelant au respect de la santé et de la vie humaine.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°48 (avril 2015)