Un article provocateur de l’hebdo Capital dénonce les préconisations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire qui - selon son auteur - relèveraient de la « pure démence » et conduiraient le pays à la catastrophe.

«... le gouvernement a décidé d’imposer de nouvelles normes de désamiantage incroyablement contraignantes, écrit l’auteur de l’article. Désormais, il faut prendre des précautions drastiques, non plus seulement quand on touche les flocages qui partent en poussière, mais aussi avec les matériaux contenant de l’amiante non friable, fût-ce en quantité infime... »

« Faut-il interdire les bains de mer et le ski ? »

L’article qualifie de « pure démence » les préconisations de l’Anses (ex-Afsset) en 2009;

Il ironise même : « Si l’on appliquait la même règle aux autres activités humaines, il faudrait interdire illico les anesthésies générales, les voyages en avion, les bains de mer, le ski, mille autres choses encore, et imposer sans délai le port du masque à gaz à tous les habitants des grandes villes. »

« Tout cela va coûter des fortunes à la France ! »

« La France peut se vanter de posséder la législation la plus protectrice du monde. Et de loin ! ...  Le problème, c’est que cette magnifique réglementation est en train d’aboutir à une catastrophe (...) Son application va coûter des fortunes à la France »..

Quel est le coût social et humain d’une épidémie  de cancers qui s’étend plus d’un demi-siècle ? C’est une question qu’il ne semble pas se poser.

Les « obsédés »du principe de précaution

L’auteur s’indigne des « 23 milliards d’euros »
qu’il faudra dépenser pour désamianter les HLM : « Résultat : plusieurs centaines de milliers d’appartements qui auraient dû sortir de terre ne verront jamais le jour. » Il dénonce la « gabegie imposée par les obsédés, du principe de précaution »  et les règles si contraignantes « que les gens ont tendance à ne plus rien respecter du tout. »


1er juillet 2015 : De 100 fibres  à 10 fibres par litre

Le premier juillet, la valeur limite d’exposition professionnelle  en France (VLEP) devrait passer de 100 fibres à 10 fibres d’amiante par litre d’air.

Les professionnels avaient trois ans pour se préparer à cette échéance annoncée par le décret du 4 mai 2012.

Cette mesure se heurte déjà à l’hostilité de certains secteurs du patronat, particulièrement chez les PME et les artisans qui en réclament le report, voire l’annulation pure et simple.

Un article de l’hebdomadaire Capital reprend leurs arguments en tirant à boulets rouges sur la réglementation amiante.

C’est une chanson bien connue :
Trop de réglementation tuerait la réglementation, trop de désamiantage tuerait la construction de HLM.

Trop de sécurité tuerait le business.

Une seule question oubliée dans cette litanie des « trop » : n’y aurait-il pas trop de cancers, trop de souffrances et trop de dépenses de santé évitables ?


 Ignorance et / ou démagogie ?

La clé de ce discours provocateur c’est l’ignorance ou le déni des risques liés à la présence en France de
20 millions de tonnes d’amiante dans des centaines de milliers de bâtiments publics et privés.

L’éradication de l’amiante en place est une nécessité. S’agissant d’un cancérogène actif à faibles doses,  elle impose des mesures de prévention très strictes. On ne peut pas les réviser à la baisse, sous peine de prolonger l’épidémie de cancers. La sécurité a un coût que la société doit assumer.

C’est une tâche de longue haleine, où les pouvoirs publics doivent jouer un rôle moteur, fixer des priorités, et inscrire leur action dans la durée. Il n’y a pas d’autre voie pour protéger les générations futures. Le nier relève de l’ignorance et / ou de la démagogie.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°48 (avril 2015)