"Ici, le problème de l’amiante environnemental commence enfin à être pris au sérieux"


Créée tout récemment, l’ADEVA NC a déjà marqué des points dans cette île où, comme en Corse, des roches amiantifères affleurent à l’état naturel sur une grande partie du territoire.

André Fabre, son président, évoque l’activité de l’association : protection des salariés et de la population, reconnaissance des maladies professionnelles, droit à l’indemnisation par le Fiva, suivi médical des salariés et des retraités...
En l’écoutant, on mesure le chemin parcouru ces derniers mois. Mais l’omerta règne toujours sur la pollution générée par l’exploitation des mines de Nickel. Il en est de même pour les routes non goudronnées traversant des zones habitées.


Tu es venu au mois de mai en métropole. Quel bilan tires-tu de ton voyage ?

Un bilan très positif. J’ai eu le plaisir de rencontrer l’Andeva et d’apprécier son dynamisme. J’ai rencontré la mission amiante, le directeur du Fiva et aussi Michel Ledoux et Jean-Paul Teissonnière, avocats spécialisés dans la défense des victimes de l’amiante. Avant de rentrer j’ai fait un voyage en Corse, où la pollution environnementale présente de grandes similitudes. J’ai pu en discuter avec Monique Nowak, de l’Ardeva Sud-Est et Patricia Burdy, l’inspectrice du travail.

Comment s’est passé ton retour ?

J’ai fait une conférence de presse. Elle a été bien perçue. Nous avons gagné en crédibilité. Le soutien en métropole a été apprécié. Mais je me suis aperçu que les autorités, jalouses de leurs prérogatives, n’appréciaient pas le fait qu’un mouvement associatif mette le doigt sur un problème où elles ont été défaillantes.
La situation est-elle en train d’évoluer ?

Oui, c’est très net. Ainsi le médecin du travail de la société Le Nickel a décidé de rappeler tous les retraités pour leur faire passer des radios et des explorations fonctionnelles respiratoires. Je lui ai expliqué, en m’appuyant sur des documents de l’Andeva, que l’examen de référence pour le suivi médical amiante était le scanner. Nous avons eu gain de cause. Cette démarche en direction de 2000 retraités est une avancée. Reste à mettre en place le suivi médical des salariés en activité...

Jusqu’à présent la seule source de contamination évoquée ici était l’utilisation d’un enduit à base d’amiante dans les cases traditionnelles. Il y avait black-out sur le risque lié à cette activité industrielle. Le fait nouveau c’est que la direction des mines reconnaît enfin qu’il y a de l’amiante dans le minerai de nickel. J’ai d’ailleurs un rendez-vous avec elle. Elle m’a invité en tant que représentant de l’Adeva NC.


As-tu d’autres signes d’une sensibilisation au risque amiante ?

Oui. J’ai été récemment alerté par les habitants de 90 maisons très anciennes en cours de réhabilitation. Ils m’avaient entendu intervenir sur les danger de l’amiante dans les médias. Quand ils ont vu des déchets de fibrociment vieux de 25 ou 30 ans et des dalles plastiques avec leur colle dans les déchets du chantier, ils ont réagi.

Nous avons fait faire un diagnostic qui a confirmé la présence d’amiante.
Des mesures vont être prises et notamment en vue de l’information des entreprises concernées : l’enlèvement des matériaux suspects doit être fait selon les règles de sécurité pour les opérateurs et pour le voisinage.

Les habitants des logements repérés se sont regroupés en association.

Quelles sont à ton avis les mesures de prévention du risque amiante qu’il faudrait prendre aujourd’hui ?

Après la fin de leur exploitation, des serpentines sont mises à jour sur les sites miniers. Elles se dégradent sous l’effet de la pluie, du soleil et du vent. Il faudrait les revégétaliser, goudronner les pistes, où la circulation des véhicules soulève des nuages de poussière, et dans l’immédiat procéder à un arrosage régulier. La revégétalisation commence à être envisagée mais il y a un retard énorme à rattraper.
Où en est l’Adeva NC ?

Nous avons tenu notre assemblée générale en septembre. Nous étions une vingtaine. La présence de malades et de personnes exposées a nourri les débats. Le bureau a été élargi. Mais nous manquons de moyens. Le siège est à mon domicile. Nous n’avons pas d’ordinateur. Notre site internet n’existe que grâce à la coopération de Laurent Lhermitte, notre vice-président, et d’amis internautes.

Il reste à faire comprendre aux autorités locales que nous ne sommes pas des adversaires systématiques et que nous pouvons être des partenaires capables de faire des propositions concrètes.

Malgré les résultats obtenus en un an, il y a encore beaucoup à faire.
Par exemple, il n’existe pas d’interdiction ou de contrôle pour l’entrée et la commercialisation de matériaux amiantifères en Nouvelle-Calédonie.
La création d’un registre des mésothéliomes est en cours en Corse. Il en faudrait un en Nouvelle Calédonie, pour améliorer la connaissance et la visibilité sociale de cette maladie et faciliter sa reconnaissance.


FIVA : NON AUX DISCRIMINATIONS !

Quand les victimes calédoniennes auront-elles enfin les mêmes droits que celles de métropole ?

Depuis de longs mois des dossiers de victimes contaminées en Nouvelle Calédonie sont bloqués au Fiva dans l’attente d’une indemnisation. Cette île ayant le statut de POM (pays d’outre-Mer), les autorités de tutelle ont demandé l’avis du Conseil d’Etat pour savoir si ces dossiers étaient recevables. Il faut mettre fin à ce blocage.

Rappelons que le décret instituant le FIVA ¨précise que le Fonds doit indemniser « toutes les victimes contaminées sur le territoire de la République française ». Il serait absurde et inéquitable qu’une victime suédoise ou tunisienne contaminée en France puisse être indemnisée par le Fiva, et qu’une victime calédonienne qui vote aux élections françaises ne puisse pas l’être. Au-delà des finasseries juridiques sur la constitutionnalité de l’indemnisation, se pose une question de conscience : la vie d’une victime calédonienne a-t-elle le même prix que celle d’une victime métropolitaine ? Qui pourrait accepter que dans cette île où la fréquence des mésothéliomes est dix fois supérieure à celle de métropole, on puisse mourir de l’amiante sans toucher un sou ?

L’Andeva et l’Adeva NC ont saisi le directeur du Fiva et la mission amiante de l’Assemblée. Dans une lettre à Xavier Bertrand et Philippe Bas, François Desriaux et André Fabre demandent au gouvernement de prendre ses responsabilités, afin que les victimes puissent être rapidement indemnisées.



Articles parus dans le Bullatin de l’Andeva N°21 (novembre 2006)