Maryse et Suzanne ont chacune perdu leur mari, décédé d’un mésothéliome. Elles ont décidé de poursuivre leur employeur, Alstom et Babcock, afin de faire reconnaître la faute inexcusable de ces entreprises. Elles viennent de gagner leur procès au bout de deux ans environ. La reconnaissance de cette faute était leur première motivation. Elles expriment leur satisfaction et leur soulagement tout en soulignant que cette victoire ne remplacera pas la perte douloureuse de leur  compagnon.

 


 

MARYSE :
" Je voulais entendre dire qu’Alstom avait mis en danger des êtres humains "

"Avec le temps, je me suis dit ça irait mieux. Mais, aujourd’hui, j’ai encore beaucoup de rage » , témoigne Maryse, 53 ans, qui a perdu son mari en 2000.

Le frère de son mari est mort en juillet 2000 d’un mésothéliome. En septembre, son mari, âgé de 50 ans, est tombé malade et est également décédé d’un mésothéliome en novembre de la même année.

Maryse vient de gagner contre la société Alstom où son mari et son beau-frère ont été contaminés par l’amiante.

"Le fait que cette société ait été condamnée pour faute inexcusable me soulage, mais, en même temps, je sais que mari ne sera jamais remplacé. Je n’ai pas encore tourné la page. "

Elle s’empresse d’ajouter qu’elle attend le jugement écrit et qu’elle ne sait toujours pas si Alstom va faire appel du jugement. Le jugement a été prononcé le 12 décembre dernier par le Tass (Tribunal des affaires de Sécurité sociale) de Bobigny.

Maryse estime que le procès a été assez rapide mais aussi éprouvant. Toute l’année 2003 a été une année de procédure avec une remise d’audience.

« Nous avons obtenu environ 150.000 euros pour le décès de mon mari et les préjudices subis par ma fille et moi. Mais ce n’est pas vraiment l’argent qui m’intéresse. Je voulais avant tout obtenir une reconnaissance et entendre dire qu’Alstom avait mis en danger des êtres humains.

Bien sûr, l’argent est bienvenu car j’ai du mal à gérer ma vie en ce moment et à entretenir la maison que nous avions achetée ensemble.

Au final, j’aurais toujours obtenu cette reconnaissance. Je suis arrivée à mes fins et j’ai aussi pu témoigner et prévenir les collègues de mon mari et tous les autres afin qu’ils ne subissent pas ce que nous avons subi. "


 

SUZANNE :
" Ce n’est pas une entreprise qui reconnaîtra ses torts d’elle-même "

" J’ai du mal à accepter de l’argent en contrepartie de la vie de mon mari ", ajoute Suzanne, 76 ans.

Son mari est tombé malade en 1990. Il est mort d’un mésothéliome en 1999, à l’âge de 71 ans.

Pour Suzanne, la reconnaissance de la faute de son employeur, Babcock, primait sur l’argent.

Le jugement a été prononcé le 10 octobre dernier par le Tass de Paris. Elle, aussi, attend le jugement écrit et ne sait pas si cette société va faire appel. Elle a obtenu 135.000 euros.


"Je sais qu’au Fiva, on est presque sûr d’obtenir une réparation financière.

Je comprends que l’on puisse avoir besoin d’argent et que l’on veuille être certain d’avoir gain de cause, mais pour moi il est dommage de ne pas essayer de faire condamner une entreprise responsable de la contamination de ses employés. Ce n’est pas elle qui reconnaîtra ses torts d’elle-même ! C’est grave de mettre la vie des gens en danger pour un travail.

Un procès, c’est plus aléatoire et cela peut prendre du temps même si, dans notre cas, la procédure a été relativement rapide. Elle a duré deux ans.

Finalement, mes fils et moi, nous nous sentons soulagés et contents mais toujours en colère parce que les patrons savaient et n’ont pourtant rien fait ! "

Propos recueillis par Pierre Luton


Article paru dans le bulletin de l’ANDEVA N°12
(janvier 2004)