En quelques semaines, au lendemain de la formidable mobilisation du 29 septembre dernier avec nos amis de la Fnath et de la FMF, nous avons obtenu gain de cause sur des revendications importantes : le décret créant le FIVA est paru ; la cessation anticipée d’activité est désormais ouverte à toutes les personnes malades de l’amiante (y compris celles relevant du tableau 30 B) ; les droits sont réouverts sans limite de durée pour toutes les victimes dont la maladie a été constatée entre janvier 1947 et décembre 2001. Enfin, la loi de financement de la Sécurité sociale est venue préciser que cette mesure s’applique non seulement aux déclarations en maladies professionnelles mais aussi aux actions en faute inexcusable, ce que contestaient certaines Cour d’Appel.

Pour beaucoup d’entre nous, ces avancées ont été accueillies avec un mélange de grande émotion et de fierté.

Bien sûr, tout ne s’est pas joué uniquement à travers cette manifestation de 10 000 personnes. Ces victoires sont le fruit d’une intense bataille judiciaire, de multiples interventions auprès des pouvoirs publics, mais aussi d’une action militante de terrain dans les régions, dont la mobilisation place de la Bastille a été le point d’orgue le plus visible !

S’il convient de se réjouir de ces avancées indéniables, nous devons aussi rester vigilants car des échéances importantes s’annoncent déjà pour 2002.

Ainsi, avec la création du FIVA, une autre bataille commence, celle du montant des indemnisations. Nous savons bien que la réparation de tous les préjudices à une hauteur correcte n’est pas gagnée. Et puis, "malgré" le Fonds nous devons continuer les actions judiciaires en faute inexcusable, c’est l’intérêt de nombreux ayants-droit pour obtenir des majorations de rente et faire condamner des employeurs. De même, les victimes de l’amiante ont ouvert une brèche, mais nous ne pourrons nous satisfaire pleinement que lorsque l’ensemble des risques professionnels bénéficieront de la réparation intégrale... Et nous n’en sommes malheureusement pas encore là.

Il convient aussi de ne pas baisser la garde car des revendications sont restées sur le bord du chemin, notamment sur le suivi médical et la prévention du risque. Le suivi médical des salariés et retraités exposés à l’amiante est toujours en panne ; la mise en place de " régions pilotes " tarde, l’édition de brochures d’information, toujours annoncée, est sans cesse reportée. La réforme de l’organisation de la prévention des risques professionnels reste à faire. La catastrophe sanitaire de l’amiante a révélé de profondes lacunes. Des rapports officiels ont mis en cause le manque d’indépendance de la médecine du travail, l’absence d’évaluation sérieuse des risques, le rôle ambigu de l’INRS, ou encore l’insuffisance des moyens de contrôle de l’Inspection du travail et des CRAM... Quelles leçons a-t-on tiré de ce drame ? Quelles réformes a-t-on entrepris ? Aucune à ce jour. Ce n’est pas acceptable.

Le 29 septembre dernier, " justice pour les victimes de l’amiante " était l’un des thèmes forts de la manifestation.

Si quelques 4000 procédures judiciaires civiles ont été engagées pour obtenir réparation des préjudices, il devient urgent que les procédures pénales pour sanctionner les responsables sortent de l’enlisement. Les victimes n’attendent pas seulement un chèque, elles veulent que tous ceux qui ont été impliqués dans cette catastrophe sanitaire évitable rendent des comptes. Or actuellement, toutes les plaintes déposées au pénal sont au point mort. Certaines depuis plus de 5 ans. Pas un seul Procureur de la République n’a ouvert d’information judiciaire malgré des centaines de jugements civils concluant à l’existence de fautes inexcusables ou d’éléments matériels d’infractions pénales. Ce déni de justice est également inacceptable.

Ce n’est donc pas le moment de donner l’impression aux pouvoirs publics qu’avec ces mesures de fin d’année ils nous ont délivré un reçu pour solde de tout compte. Si nous avons obtenu ces résultats, c’est parce que nous nous sommes mobilisés. D’autres défis nous attendent. Plus que jamais, continuons l’Andeva.

François DESRIAUX
Président de l’ANDEVA


Article paru dans le bulletin de l’ANDEVA N°9 (janvier 2002)