Pour un dispositif cohérent de prévention face à l’amiante en place dans les bâtiments

Plus de 90% de l’amiante importé depuis 50 ans a été utilisé dans des matériaux de construction. Depuis l’interdiction de l’amiante (1 janvier 1997) on a certes cessé d’en rajouter mais il reste néanmoins quelques 3 millions de tonnes d’amiante dans les bâtiments.

Les ouvriers du bâtiments sont donc soumis à des expositions discontinues certes mais très importantes.

Les études épidémiologiques indiquent déjà que la plus grande proportion de victimes de mésothéliome se trouve parmi les ouvriers du bâtiment (charpentier, plombier, électricien,maçon, agent de maintenance, etc).

Le rapport GOT estime que l’effort de prévention amiante doit porter prioritairement sur les travailleurs du bâtiment et nous lui donnons raison (ce qui ne veut pas dire négliger d’autres secteurs !).


La législation existante

Le décret Santé du 7 février 96 oblige les propriétaires à faire recenser les flocages et calorifugeages à base d’amiante (le décret du 12 septembre 1997 a rajouté les faux-plafonds) puis à faire réaliser un " diagnostic " visuel de l’état de dégradation selon une " grille d’évaluation " qui aboutit, soit à une obligation d’engager les travaux dans les douze mois, soit à l’obligation de procéder à un contrôle périodique.

Le décret Travail du 7 février 96, en cas de travaux dans un bâtiment, impose en principe au chef d’entreprise d’évaluer les risques de présence d’amiante (article 27) et de prendre les mesures de précaution en conséquence (en particulier le port d’équipement individuels de protection respiratoire est obligatoire si l’empoussièrement risque de dépasser 100 fibres/litre).

En cas de démolition d’un bâtiment, un recensement exhaustif de l’amiante est en principe obligatoire.

Quant aux opérations de retrait ou confinement de l’amiante, elles sont soumises aux conditions de l’arrêté du 14 mai 1996 : ces travaux ne peuvent être réalisés que par des entreprises qualifiées ; dans le cas de matériaux friables les ouvriers doivent opérer avec mouillage (sauf impossibilité absolue), avec confinement total, mise en dépression, avec procédure rigoureuse d’accès (5 sas) et équipements respiratoires isolant à adduction d’air comprimé réglementaires (en cas d’impraticabilité, à ventilation assistée) ; pour les matériaux non friables la procédure moins exigeante reste néanmoins très rigoureuse.


Ce que nous demandons

- Améliorer le repérage et le " diagnostic " de l’amiante accessible
Il faut étendre l’obligation de repérage à l’ensemble des matériaux friables ou accessibles. Sans cela, le décret Travail demeurera dans la pratique inopérant : si l’on ne sait pas où est l’amiante on ne peut pas s’en protéger !

La procédure de " diagnostic " du bâtiment doit être améliorée : on doit tenir compte de l’activité dans le bâtiment (une école maternelle ne doit pas être évaluée comme un parking).

On doit aussi préciser la nature des travaux à entreprendre et un délai pour les exécuter, sinon l’article est inopérant.

- La mise en place de " plans de gestion ".
La législation actuelle n’impose pas, en général, de prendre des précautions particulières face à l’amiante dans les bâtiments, même quand on l’a repéré.

Il faut rendre obligatoire dans tous les bâtiments contenant de l’amiante la mise en place d’un " plan de gestion " comprenant l’information des occupants et des entreprises intervenantes, l’établissement de protocole pour les procédures de nettoyage et pour toutes les opérations de maintenance courante. Un repérage exhaustif de l’amiante devrait précéder toute rénovation (et pas seulement la démolition) . Toutes les opérations de diagnostic sur immeubles devraient être recensées au niveau municipal avec libre accès pour tous à l’ensemble des informations ainsi recueillies.

- La qualification et le contrôle des maîtres d’oeuvre et des entreprises de désamiantage
Le maîtrise d’oeuvre, dont la conception est essentielle pour le bon déroulement d’un chantier n’est pas soumise à une qualification réglementaire. Le contrôle des entreprises effectuant les travaux n’est pas satisfaisant.

Les pouvoirs publics doivent assumer directement la responsabilité des contrôles et instaurer une procédure de qualification des maîtres d’oeuvre de chantiers de désamiantage.

Il est intenable de laisser le marché réguler une activité de santé publique où la plus grande part des coûts provient des mesures de sécurités.

- Formation et information
Deux des difficultés que rencontre la mise en place de la prévention sont le manque de d’information sur le danger chez les ouvriers du bâtiment et sur les moyens de se protéger.

A cela s’ajoute que pour l’entreprise ou le propriétaire, " protection amiante " implique " coûts en surplus ".

Il faut mettre en place une information et une formation " amiante " pour les ouvriers et les entrepreneurs du bâtiment  ; cette formation pourrait faire appel aux inspecteur du travail, aux médecins du travail et agents des CRAM. Elle doit comprendre l’information sur les risques encourus et les moyens pratiques de les prévenir.

- Une politique de traitement des déchets amiante.
Les seuls déchets convenablement réglementés sont actuellement ceux provenant de chantiers d’enlèvement de flocages ou calorifugeages.

Le traitement des déchets d’amiante-ciment notamment doit être clarifié et la législation rendu cohérente.

La législation devrait inciter à utiliser les procédés détruisant l’amiante plutôt que le stockage de déchets.

Un guide de la réglementation comprenant les diverses recommandations sous forme synthétique devrait être édité et largement diffusé.



article paru dans le Bulletin de l’Andeva N°5 (juin 1999)