"J’ai près de 40 ans, cheminot depuis 20 ans. Vous me direz : « pas de rapport avec l’amiante ». Et pourtant oui. Mes parents pour travailler ont dû aller à Ferodo, dans la vallée, seule entreprise qui embauchait et payait dans les années 50.
Ma mère est embauchée en 1958 et, ayant eu plusieurs enfants, a cessé en 1960.
Mon père, lui, embauche en 1954 comme tisserand. Il avait 21 ans. Je me rappelle dans ma jeunesse, le père toussait, se plaignait.
Le docteur de Ferodo lui disait : « c’est la bronchite », et surtout ceci : « vous n’êtes pas amianté ». Mon père, soucieux d’élever la famille de 10 enfants avec son seul salaire, faisait confiance à la médecine du travail.
Au retour des congés de 1980, l’usine l’envoie passer une radio à Flers. Au vu des résultats, mon père est convoqué au CHU de Caen. Il ne retravaillera plus jamais.
Il est enfin reconnu amianté, mais à plus de 80%. Ensuite, c’est l’opération d’un poumon, suivie d’une deuxième six mois après. Pour finir, avec un seul poumon malade et des bouteilles d’oxygène, son état s’est agravé.
Bien sûr, Ferodo, devenue Valeo/Ferlam, aurait bien voulu le licencier pour maladie. Mais après maintes démarches, il reste salarié de Valéo.
A la fin du printemps 1988, il s’éteind, laissant trois enfants à la charge de ma mère, un de 18 ans sans travail, une fille de 16 ans et un garçon de 15 ans.
Après une démarche de ma part auprès de l’assistante sociale de Valéo, mon frère de 18 ans est embauché à Valéo Condé.
Aujourd’hui il est à Allied Signal et faute de mieux il y reste, conscient des dangers de l’amiante.
Ma pauvre mère s’est éteinte elle aussi, fatiguée, très fatiguée, car un malade de l’amiante demande beaucoup d’attention et crée quelques soucis. Etant veuve à 51 ans, elle avait du retrouver du travail pour finir d’élever ma soeur et mon frère.
Pour elle, pour lui, je suis à votre disposition pour aider les victimes de l’amiante à obtenir réparation."

Jean-Louis REMANDE, 61
Mesnil-Huber


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva N°3 (juin 1997)