En 2010, Véronique Fresnel-Robin avait vécu douloureusement le décès de son père d’un mésothéliome.

Dix ans après, elle s’est fixée un challenge un peu fou : traverser la Manche en solo en juillet 2020. Pour une maman cinquantenaire qui n’a repris l’entraînement qu’en 2015, après avoir arrêté la natation pendant 28 ans, le challenge est impressionnant. Mais il ne s’agit pas seulement d’accomplir un exploit sportif. Véronique veut médiatiser l’événement au service d’une grande cause : soutenir la recherche sur le mésothéliome menée au CHU de Lille par le Pr Arnaud Scherpereel.

« Nous venions de fêter les 70 ans de ma mère, se souvient Véronique. Mes parents allaient partir en croisière en Islande. Michel, mon père toussait beaucoup. Ma mère l’a envoyé voir un médecin avant le départ. Ses poumons étaient remplis de liquide. Ils ont dû annuler. Les médecins ont dit qu’il avait un mésothéliome pleural, une maladie grave due à l’amiante. Personne ne s’y attendait. »

Ingénieur à la CEM Alstom

Dans les années 60, au début de sa carrière, Michel Robin avait travaillé comme ingénieur à la plate-forme thermique pour le démarrage et l’entretien des turboalternateurs dans les centrales EDF (Tunis, Alger, Dakar, Nantes) puis à la CEM Alstom au Bourget, un établissement classé « amiante », plusieurs fois condamné pour faute inexcusable de l’employeur.

En 2010, un demi-siècle après l’exposition, le cancer de la plèvre l’a rattrapé. Il avait 73 ans et semblait en pleine forme. La maladie l’a fauché en plein vol.

Une magnifique leçon de vie

« J’ai beaucoup pleuré après l’annonce du diagnostic, dit Véronique. Mais durant sa maladie, nous avons vécu de vrais moments de partage.

Il aimait qu’on lui fasse la lecture.. Même lorsqu’il était en fauteuil roulant, il gardait son humour. Nos rapports étaient remplis de bienveillance et de tendresse.

La famille s’est mobilisée autour de lui. Il est parti paisiblement, en nous donnant une magnifique leçon de vie. Cela nous a aidés à accepter son départ.

Un profond sentiment d’injustice

Quand il nous a quittés, nous avons ressenti un profond sentiment d’injustice. Il avait travaillé pour gagner sa vie, pas pour la perdre.Je me suis dit : il faut faire quelque chose ! ».

Michel Robin était très sportif. Il adorait l’eau. Véronique aussi : « Quand j’étais gamine, j’avais une passion naturelle pour la natation. J’étais une vraie casse-cou. Traverser la Manche était alors le rêve d’une adolescente. Trente ans après, je vais le réaliser pour une grande cause : la recherche sur les maladies liées à l’amiante. »

Un véritable défi sportif

« La traversée, c’est 32 kilomètres dans une eau de 14 à 17 degrés, une distance qui peut s’allonger à 50, 60 ou 70 kilomètres si la nageuse dérive... Les plus rapides la font en 7 heures. Mais elle peut durer 24 heures voire davantage. Quatre Françaises l’ont réussie », explique Véronique, qui n’est pas une nageuse professionnelle.

Une folle aventure...

La cinquantaine souriante, mère de deux grands enfants de 22 et 19 ans, elle travaille dans un cabinet de courtage en assurances. « Je suis Madame Tout le Monde, moi, dira-t-elle avec humour à une journaliste. Je suis arrivée avec mes kilos en trop, sans sponsor et n’ayant pas fait de sport depuis 20 ans ! »

...minutieusement préparée

L’aventure pourrait ressembler à une pure folie, mais Véronique s’y prépare sérieusement depuis plusieurs années et ceux qui la connaissent savent que son enthousiasme peut soulever des montagnes.

L’été 2015, après avoir nagé aux côtés de Ludovic Chorgnon, un ultrasportif qui a réalisé 41 Ironman en 41 jours à Vendôme1, elle s’inscrit à un club de natation et participe à de multiples compétitions.

En 2016, elle contacte Philippe Fort qui prépare une traversée de la Manche en solo. Trois ans plus tard, il sera son coach.

En août 2017, elle crèe l’association « Challenge transmanche ». Elle contacte le CHU de Lille et explique son projet. L’accueil est enthousiaste. L’association signe une convention : une partie des dons collectés servira à financer le projet. Une partie sera versée, en toute transparence, sur un compte affecté spécialement aux travaux du professeur Scherpereel sur le mésothéliome

Porter un message d’espoir.

« Je déteste l’injustice,dit Véronique. On ne réparera pas celle qu’a subie mon père. Mais je veux porter un message de vie et d’espoir, dire aux victimes de l’amiante : « On ne vous oublie pas. Des gens se bougent pour vous ».

Ce projet est pour moi une aventure sportive et une aventure humaine. En préparant la traversée, j’ai rencontré des gens formidables : victimes, bénévoles, médecins...
Des amitiés se sont nouées.

Des contacts ont été pris avec des associations de victimes : l’Ardeva et l’Andeva ainsi que des associations anglaises et une association québecoise.

Chaque jour, mon engagement dans le combat contre l’amiante s’approfondit. »


« Ils sont enthousiastes »

« Je trouve la démarche de Véronique remarquable, explique le Professeur Arnaud Scherpereel, chef du service d’oncologie-pneumologie du CHU de Lille et coordonnateur de Mesoclin, réseau d’experts cliniciens sur le mésothéliome. Elle a su tourner la colère, le chagrin, le deuil de sa famille vers une énergie très positive pour bâtir ce projet extraordinaire de traversée de la Manche. Ce projet et sa personnalité m’ont plu tout de suite. Je l’ai présentée à l’équipe soignante. Je parle de son projet aux malades et à leur famille. Ils sont enthousiastes. »


le rêve de Véronique : « Une aventure sportive,
au service d’une cause »

« J’ai repris la natation en 2015 après plus de 28 ans d’arrêt !!

En avril 2016, j’apprends que Philippe Fort prépare une traversée de la Manche en solo. Un vieux rêve d’ado refait surface. Pourquoi pas moi ? Wilfrid Gruel, mon entraîneur de natation à l’US Vendôme, m’encourage : « Si c’est un rêve, vas-y ! »

En 2016, je participe à la finale de la coupe de France d’eau libre ; je finis dernière du 5 kms mais je suis classée.

Pour rattraper le temps perdu, je multiplie les compétitions : 24h de Lausanne, Morocco Swim Trek, Double 8 autour des îles d’Or, la Manche en relais, la nuit de l’Eau Libre, Défi des Iles, Re Morocco Swim Trek…

Je m’inscris partout sans organisation, ni planification. Je suis aux côtés de nageurs qui m’impressionnent. J’apprends beaucoup sur moi, je me surprends, fais de formidables rencontres, . Mais je sais que je dois poser les choses….

Début 2019, Philippe Fort accepte d’être mon coach. Il y a du boulot ! Avec ses mots, son franc parler mais aussi sa bienveillance, il remet les pendules à l’heure, m’aide à m’organiser, à cadrer l’électron libre que j’étais. Rigueur, persévérance, assiduité ... c’est parfois dur physiquement et moralement. Mais Philippe est à l’écoute et répond présent quand je craque.

Je suis bien entourée. Un cercle d’amis proches est à mes côtés et supporte mes états d’âmes, mes doutes, mes pleurs, mes rires, mes délires, mes passages du yin au yang. Ma famille m’encourage. Mes enfants acceptent avec humour un frigo vide quand ils rentrent le week-end : « Maman, maintenant que tu nages, on ne mange plus ? »

Au-delà de l’aventure sportive, il y a ma cause, celle qui me pousse à me surpasser : le soutien à la recherche pour le traitement des maladies liées à l’amiante . Une belle relation avec le personnel du CHU de Lille est née, source d’énergie.

Je sais qu’il y a eu beaucoup de colère chez mes frères et ma sœur après la mort de papa, un sentiment d’injustice et d’impuissance…J’espère que cela les apaise et les aide. Papa n’est pas oublié… il est bel et bien présent.

Encore un an...

L’Aventure continue !!

Merci à vous tous qui me soutenez et croyez en moi, en ce projet fou. ! »