Cinq années de lutte contre une tentative d’enterrer définitivement tous les dossiers du procès pénal de l’amiante par des non-lieux

  • Février 2016

Les juges d’instruction du Pôle de santé publique décident une expertise scientifique. Les trois experts retenus (Lasfargues, Similowski et Pralong) devront répondre à des questions des juges sur les effets de l’amiante sur la santé. Cette expertise sera versée dans 27 dossiers amiante » au pénal.

L’Andeva s’étonne que ces questions soient posées après 20 ans d’instruction, ce qui retarde encore le procès.

  • Octobre 2016

Les  trois experts rendent un rapport qui fait la synthèse des connaissances scientifiques sur l’amiante.

  • 7 juin 2017

Les juges d’instruction transmettent au parquet une ordonnance annonçant leur volonté d’arrêter leurs investigations et de clore l’instruction par des non-lieux. Selon eux, l’incertitude sur la « date d’intoxication » par les fibres d’amiante ne permettrait pas de « réunir des charges qui pourraient être imputées à quiconque des chefs d’homicide ou blessures involontaires ».

  • 11 juin 2017

Le parquet prononce des réquisitions de non-lieu en reprenant à son compte l’analyse des juges d’instruction.

L’Andeva et la Fnath publient le 28 juin un communiqué dénonçant « l’interprétation frauduleuse d’une expertise scientifique pour lui faire dire le contraire de ce qu’elle dit ».

« Ce n’est pas une date mais une période d’exposition que les magistrats auraient dù retenir »

21 ans après le dépôt des premières plaintes, c’est bien un enterrement de première classe qui se prépare ».

« La portée de ces décisions va bien au-delà des victimes de l’amiante. Des décisions analogues pourraient demain s’appliquer aux victimes de produits à effets différé (cancérogèmes, mutagènes ou reprotoxiques). Cela reviendrait à délivrer par avance un « permis de tuer » aux auteurs de crimes industriels « non datables ». L’heure est grave. Les enjeux sont considérables. »

  • décembre 2017

Premières ordonnances de non-lieu dans les dossiers d’Everite à Dammarie-les-Lys et de la centrale EDF d’Arjuzanx (125 victimes dont 39 morts).

Les plaignants s’indignent :  « dire que c’est la faute à personne, ce n’est pas normal ». Ils font appel.

  • 8 janvier 2019

Non-lieu pour les dossiers DCN de Brest et Cherbourg.

L’Andeva et  l’Adeva Cherbourg dénoncent un déni de justice : « Des milliers de maladies professionnelles dues à l’amiante reconnues, des centaines de condamnations pour faute inexcusable de l’employeur... Et puis… …Plus rien ? Ce non-lieu est une insulte à la mémoire de nos collègues tués par l’amiante ».

  • 11 juillet 2019

Non-lieu pour toutes les usines Eternit de France (Paray-le-Monial, Thiant, Albi, Rennes, Triel, Caronte) .

L’Andeva et le Caper Bourgogne rappellent que chez Eternit, les morts de l’amiante se comptent par centaines. Ils soulignent que les juges « ont ignoré les multiples condamnations pour faute inexcusable de l’employeur. Ils ont présenté des délinquants industriels comme des prix de vertu ». Les associations font appel

  • 16 juillet 2019

Non-lieu pour Ferodo-Valeo à Condé-sur-Noireau (Calvados).

L’Andeva, l’Aldeva Condé-Flers et la Fnath rappellent que cette vallée a été surnommée « la vallée de la mort » à cause du nombre effrayant de victimes de l’amiante. Elles estiment que c’est « un véritable permis de tuer sans crainte de poursuite pénale qui est délivré par ces juges. ». Les trois associations font appel.

  • 16 octobre 2020

Audience à la chambre de l’instruction de la  Cour d’appel de Paris (Everite).

L’Andeva et ses deux cabinets d’avocats (TTLA et Ledoux) convoquent une visioconférence de presse.

  • 20 janvier 2021

    Coup de théâtre !

La chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris annule les non-lieux du dossier Everite. Elle confirme que les juges d’instruction ont fait une mauvaise lecture du rapport des experts et une mauvaise analyse de la responsabilité pénale des employeurs. C’est un désaveu cinglant pour ces juges et le Parquet de Paris.

Mais le Parquet annonce le jour même à l’AFP qu’il conteste cet arrêt et saisit la Cour de cassation.
Il demande que soient ajournées sine die toutes les audiences des autres affaires pour lesquelles la même cour d’appel s’apprêtait à annuler des non-lieux basés sur les mêmes arguments.

L’Andeva salue la décision de la Cour d’appel et dénonce l’acharnement du Parquet. Elle demande à la Cour de cassation de statuer « en urgence absolue », pour éviter d’enterrer ces dossiers.

  • début mars 2021
       Un appel pour la Justice

Un appel « Justice pour les victimes de l’amiante » est mis en ligne sur le site de Mediapart et sur la plate-forme change.org.

 « Il y a 25 ans, des plaintes étaient déposées par des victimes (...) afin que les responsables de ce scandale sanitaire soient jugés. Un quart de siècle plus tard, pas un seul n’a été renvoyé devant un tribunal correctionnel. »

« Aujourd’hui, nous lançons cet appel pour qu’un procès pénal ait enfin lieu en France »

« Nous demandons au procureur général près la Cour de cassation, Monsieur François Molins, de faire audiencer « en urgence absolue » le pourvoi dont la chambre criminelle est saisie. »

Cet appel, lancé par des victimes, recueillera près de 23 000 signatures (électroniques et sur papier).

  • 8 mars 2021 :

   2ème coup de théâtre !

Le Président de la chambre criminelle de la Cour de cassation rejette l’examen du pourvoi : « il n’y a pas lieu d’admettre en l’état le pourvoi du procureur général près la Cour d’appel de Paris ». Il ordonne que la procédure soit continuée.

L’Andeva salue une nouvelle victoire pour les victimes de l’amiante et souligne que la pétition a été signée de nombreuses personnalités syndicales, politiques et de la société civile. Elle réclame que les juges du pôle judiciaire de santé reprennent sans délai l’instruction pour le dossier Everite et les autres dossiers où ont été prononcés des non-lieux.

  • 20 avril 2021

Nouveau non-lieu dans le dossier de la Normed à Dunkerque. Comme s’il ne s’était rien passé, les juges d’instruction reprennent dans leur ordonnance les arguments déjà rejetés par la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris.

Mais, cette fois-ci, ils ajoutent une nouvelle motivation au non-lieu : « l’insuffisance de charges », ce qui revient à dire qu’ils n’ont pas trouvé « d’indices graves ou concordants » d’une quelconque responsabilité des décideurs économiques et politiques.

Malgré le désaveu cinglant qu’ils ont subi, ceux qu’on surnomme désormais les « juges d’obstruction » persistent manifestement à vouloir saboter la tenue du procès pénal.

La mobilisation doit continuer.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°66 (septembre 2021)