Le 15 décembre 2021 s’est tenue une audience à huis clos devant la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris.  La Cour doit statuer sur les ordonnances de non‑lieu rendues, avec le soutien du parquet, par les juges du pôle judiciaire de Santé publique dans le dossier pénal Eternit, comme dans beaucoup d’autres.  Les magistrats de la Cour d’appel qui ont déjà annulé des non-lieux dans les dossiers d’Everite et de la DCN, rendront leur décision le 11 mai.

Des victimes par milliers

Eternit est une entreprise de l’amiante ciment responsable de milliers de victimes dans ses usines en France : Thiant (59), Albi (81), Vitry-en-Charollais (71), Rennes (35), Caronte (13), Triel-sur-Seine (78) et de plusieurs dizaines de milliers sur l’ensemble des chantiers du bâtiment où des ouvriers, ignorants du danger ont manipulé des matériaux cancérogènes. Elle a été condamnée des centaines de fois pour faute inexcusable de l’employeur.

25 années d’instruction pour un non-lieu ?

Dans le dossier d’Eternit Thiant, une plainte avait été déposée en 1996 par deux victimes aujourd’hui décédées. La procédure a été poursuivie par leurs familles. Trois responsables de la société Eternit ont été mis en examen.

Commencée à  Valenciennes, l’instruction a été confiée aux juges du pôle de Santé publique de Paris.

Le 19 juin 2017, vingt-et-un an après l’ouverture de l’information, les juges d’instruction parisiens ont dit leur volonté d’arrêter leurs investigations et de clore l’instruction sans mettre en cause la responsabilité de quiconque.

Une ordonnance de non-lieu a été rendue le 10 juillet 2019 avec le soutien du Parquet. Les parties civiles ont aussitôt interjeté appel.

Une audience à la Cour d’appel de Paris le 15 décembre.

L’audience à la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris a eu lieu à huis clos le 15 décembre 2021.  Les avocats des familles de victimes parties civiles, Philippe de Castro et François Lafforgue, ont adressé deux demandes aux magistrats :

1) l’annulation de l’ordonnance de non-lieu rendue par les juges du pôle judiciaire de santé publique de Paris en juillet 2019,

 2) le renvoi direct devant un tribunal correctionnel des trois dirigeants d’Eternit mis en examen :

- Jacques Decret, directeur de l’usine de 1985 à 1993 ;

- Marcel Bride, directeur de l’usine de 1993 à 2004 ;

- Daniel Vast, directeur général adjoint, directeur général et président du directoire de la société Eternit entre 1979 et 1994.

La société Eternit est mise en examen en tant que personne morale.

Deux non-lieux déjà annulés

En janvier dernier, la même juridiction avait déjà annulé une ordonnance de non‑lieu dans le dossier Everite. Le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi du parquet.

Dans le dossier DCN s’est reproduit le même scénario : annulation du non lieu par la  Cour d’appel de Paris en 2021 et ordonnance de rejet du pourvoi du parquet par la Cour de cassation début janvier 2022.

Les magistrats ont ainsi sanctionné l’argumentation des juges d’instruction dupliquée dans tous les dossiers « amiante » au pénal selon laquelle il ne serait pas possible d’établir le lien de causalité entre la commission d’actes délictueux et la contamination des victimes.

Il est permis de penser que la Cour d’appel prendra une position identique dans le dossier Eternit, quand elle rendra son arrêt le 11 mai.

Une demande de renvoi en correctionnelle

Les témoignages et les documents réunis dans le dossier (voir ci-contre) apportent des indices  « graves ou concordants » suffisants pour renvoyer les prévenus devant un tribunal correctionnel. Ce renvoi permettrait de mettre fin au sabotage de l’instruction par ceux qui en ont la charge et de redonner aux victimes et aux familles un peu de confiance dans la justice.

Les anciens d’Eternit au coude à coude

Une visioconférence de presse avait été organisée la veille de l’audience avec François Desriaux et Jacques Faugeron de l’Andeva, les avocats Jean-Paul Teissonnière, François Lafforgue et Michel Ledoux ainsi que des anciens de trois sites Eternit : Michel Després, du Caper Thiant, pour l’usine de Thiant ; Jean-François Borde, du Caper Bourgogne pour l’usine de Vitry-en-Charollais et Jean-Marie Birbes de l’usine d’Albi-Terssac pour l’Ardeva Midi-Pyrénées. Tous avaient la même soif de justice.


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°67 (janvier 2022)