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Le 5 octobre dernier, la Cour d’appel d’Amiens a confirmé le jugement rendu le 3 juin 2019 par le conseil de prud’hommes de Compiègne.  Elle reconnaît le préjudice d’anxiété de 103 salariés de St-Gobain Thourotte. Chacun touchera une indemnisation d’un montant de 8000 euros. La société a définitivement renoncé à se pourvoir en cassation.

Deux sociétés sont implantées sur le site de Chantereine : Saint-Gobain Glass qui fabrique du verre à plat et Saint-Gobain Sékurit qui fabrique des vitrages automobiles.

A ce jour, le site n’est pas  classé « amiante ». Mais, la jurisprudence permet de reconnaître le préjudice d’anxiété dans un établissement non classé, si l’existence d’un « risque avéré de maladie grave » est démontrée.

Un dossier solide, un arrêt bien motivé

La Cour d’appel d’Amiens considère que chez Saint-Gobain « l’exposition à l’amiante ne peut être sérieusement contestée ».

Son arrêt dresse un panorama de toutes les expositions professionnelles :  les vêtements de protection contre la chaleur (combinaison, casquette, gants en amiante), les buses à air comprimé (utilisées pour refroidir les pièces sortant du four) qui dispersaient les poussières d’amiante dans l’air, les toiles d’amiante sur lesquelles étaient posées les pièces sortant des fours, les joints de portes des fours, les « soufflettes » (7 bars) et les balais qui soulevaient la poussière lors des nettoyages...

La réalité de ces expositions professionnelles est solidement étayée par une multitude de pièces fournies par le collectif et le syndicat CGT (rapports du CHSCT, documents officiels de Saint-Gobain, témoignages...)

La Cour d’appel évoque les nombreuses maladies professionnelles liées à l’amiante recensées dans le bilan social de l’entreprise (35 cas d’asbestose pour les années 1996 à 1998 et 2001 à 2003).

Elle estime disposer « d’éléments suffisants pour retenir que le salarié intimé y a travaillé dans des conditions d’exposition à l’amiante générant le risque de développer une pathologie grave ».

La reconnaissance d’une exposition fautive

à l’annonce du jugement, les quatre mousquetaires qui animent le Collectif (Max, Philippe, Claude et Jean-Claude) ont savouré cette victoire. La route était longue. Le résultat n’était pas acquis d’avance.

Cette décision de justice, c’est d’abord la reconnaissance d’un préjudice résultant d’une exposition fautive à l’amiante niée par l’employeur et même par les médecins du travail successifs qui préféraient disserter sur les méfaits du tabac.

La Cour d’appel a rappelé à l’employeur que l’article R 231-56-11 du code du travail lui impose de délivrer des attestations d’exposition ouvrant droit à un suivi médical post-professionnel gratuit pour les retraités.

De bonnes raisons d’être anxieux

Dans ce procès, les plaignants avaient de bonnes raisons d’être anxieux.

« J’étais maçon fumiste, explique Max Klein qui a travaillé 41 ans chez Saint-Gobain. J’étais chargé de l’entretien des fours dont la température pouvait monter jusqu’à 1700 degrés.   Les équipements de protection en amiante, on en avait de la tête au corps.

Il y en avait dans les cordons et les toiles, il y avait de l’amiante en vrac qui ressemblait à du coton hydrophile...»  L’amiante protégeait de la chaleur. Mais ses fibres tuaient. Dans son service, il est le seul rescapé des maçons fumistes...

« Cette action judiciaire aura eu le mérite de sensibiliser les gens au problème de l’amiante, explique Jean-Claude Patron. Des gens sont allés voir leur médecin. Certains ont découvert des pathologies plus ou moins graves. Depuis le début de la procédure, nous avons perdu une dizaine de copains, tués par l’amiante. »

La lutte continue

« Je tiens à remercier toutes celles et ceux qui ont contribué à cette victoire : Marcel Lagant et l’Ardeva Picardie qui nous ont aidés à démarrer, les animateurs du collectif qui ont fait un travail formidable, le syndicat CGT dont le soutien a été précieux et nos fidèles avocates : Marie Fleury et Elisabeth Leroux du cabinet TTLA. 

La lutte continue. Une autre action aux prud’hommes a été engagée par une cinquantaine de salariés.

Une demande de classement du site a été déposée en 2016. L’inspectrice du travail a rendu un rapport favorable à l’inscription de l’établissement Glacerie de Chantereine. Mais le ministère du travail rejette, malgré cela, notre demande. Des salariés attendent de partir en pré-retraite amiante. Le dossier est solide. Nous pouvons gagner. »


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°67 (janvier 2022)

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