Par un arrêt du 16 décembre 2021, la cour d’appel de Paris a condamné la SNCF à indemniser le préjudice d’anxiété de 119 salariés qui avaient inhalé des fibres d’amiante en travaillant dans des ateliers de maintenance.

En juin 2013, 144 cheminot-e-s, en activité ou en retraite sur l’ensemble du territoire, ont engagé une action devant les prud’hommes pour que soit reconnu leur préjudice d’anxiété.

Ils avaient travaillé dans les ateliers, au service électrique ou à la conduite des trains. Ils savaient qu’ils avaient inhalé des fibres et ressentaient « la crainte d’être atteint par une maladie grave liée à l’amiante, crainte ranimée chaque fois qu’un collègue tombait malade ou décédait à cause de l’amiante, et à chaque examen médical ».

9 ans et demi de bataille judiciaire

 Dans un communiqué de presse, le syndicat Sud a salué cette victoire : « Il aura fallu 9 ans et demi pour que les 119 cheminotes et cheminots soient reconnu·e·s dans leur droit et
indemnisé·e·s en conséquence. La SNCF, a tenté jusqu’au bout, de nier ses responsabilités, sa connaissance du
danger représenté par l’amiante et l’absence de mesures visant à protéger les salariés.
La SNCF étant une des entreprises où plusieurs milliers de travailleurs·es ont été confronté·e·s à l’amiante, responsable d’une trentaine de décès chaque année. »

Parfaite conscience du danger

L’arrêt de la Cour d’appel est tranchant vis-à-vis de l’entreprise : « contrairement à ce qu’elle affirme,
la  SNCF avait, bien avant 1995,  une parfaite conscience des dangers de l’amiante et des mesures à prendre pour en protéger ses salariés ».

« La société ne démontre pas avoir mis à la disposition de son salarié des équipements adaptés de protection ni même de l’avoir informé des dangers qu’il pouvait encourir en raison de la présence d’amiante dans les matériaux utilisés. »

L’anxiété vécue au quotidien

David Lepennetier, est l’un des 119 cheminots concernés. Il n’est pas malade mais craint de le devenir. Il décrit pour un journaliste de Libération le vécu de son anxiété au quotidien : savoir qu’on a inhalé des fibres cancérogènes en travaillant pendant quatre années à la maintenance des trains dans l’atelier de Sotteville-lès-Rouen ; stresser à l’approche d’une spirométrie ou d’un scanner ; penser aux collègues de travail qui sont morts d’un cancer...

La Cour d’appel, qui définit le préjudice d’anxiété comme une fragilité psychologique particulière née de la conscience d’avoir été exposé à un produit présentant un risque élevé de pathologie grave, a accordé entre 10 000 et 12 000 euros à chacun des 119 plaignants. 

Elle a également accordé des dommages et intérêts au syndicat Sud Rail qui les a accompagnés et soutenus dans cette longue bataille judiciaire.

La SNCF n’a pas commenté cette décision de justice qui la condamne ni indiqué si elle comptait se pourvoir en cassation.


Article paru dans le bulletin de l’Andeva n°67 (janvier 2022)