Le Proflow asbestos 160 de 3 M Scott - le masque à ventilation assistée le plus utilisé sur les chantiers « amiante » - pose des problèmes de sécurité. Son moteur portatif connaît parfois des baisses de régime qui donnent un débit d’air inférieur à la norme réglementaire de 160 litres par minute. Ces dysfonctionnements, encore inexpliqués à ce jour, ont été signalés par des centres de maintenance. La première alerte a été lancée en 2018. La Direction générale du Travail (DGT) a tardé à réagir. Il est temps de prendre le problème à bras-le corps.

Le masque à ventilation assistée est apprécié des opérateurs, parce qu’il donne une grande liberté de mouvements, avec son moteur accroché à la ceinture. Mais, des baisses inopinées du régime du moteur peuvent réduire dangereusement le débit d’air.

3 M Scott plaide non coupable

Le premier réflexe de 3 M Scott a été de se couvrir en disant que le système Proflow a été testé par un laboratoire accrédité en Grande-Bretagne et qu’il a « obtenu et toujours conservé cette certification TM3 depuis sa mise sur le marché. »  Il serait donc « conforme à la réglementation française » et ces dysfonctionnements pourraient, selon elle, être dus à une mauvaise utilisation par les opérateurs.

En fait la certification ne concerne que des équipements neufs alors que les baisses imprévues de débit d’air ont été constatées sur des matériels usagés. Le facteur de vieillissement du moteur ou de la batterie n’est pas pris en compte par la réglementation actuelle.

Quand le débit d’air descend sous les 160 litres par minute, une alarme est censée sonner et un code d’erreur s’afficher.

Mais l’alarme peut se déclencher avec retard, les codes d’erreur sont sybillins et n’indiquent pas clairement la conduite à tenir. en cas d’alarme sonore.

3 M Scott a mis en place certaines mesures correctives, tout en assurant que cet équipement était, depuis toujours,  « conforme à la réglementation ». Les changements apportés par le fabricant aux modèles vendus après le 15 juillet 2020 sont l’ajout d’un « tube indicateur de débit d’air » et la modification de la notice.

La position du ministère

Sur sa demande, l’Andeva a participé à une visioconférence avec la Direction générale du Travail (DGT), le 13 octobre dernier. Elle dit son inquiétude et fait des propositions.

Un avis du ministère du travail publié le 28 octobre 2021 au J.O. a invité les employeurs à se conformer aux instructions du fabricant : avant chaque entrée en zone de travail, changer le filtre et utiliser ce tube pour vérifier le débit. Sans cette vérification préalable, « l’utilisation de ce masque est prohibée ».

Mais que devaient faire les professionnels qui avaient acheté avant le 15 juillet 2020 des masques 3 M / Scott sans indicateur de débit ?

Après quelques semaines d’incertitude le fabricant leur a finalement proposé « un envoi à titre gracieux du tube indicateur de débit » sur simple demande.

On peut saluer cette initiative, mais le problème est-il vraiment réglé pour autant ?

La Maison des lanceurs d’alerte, l’UGICT CGT et le SNTEFP CGT soulignent que l’indicateur de débit permet « d’identifier des équipements défectueux avant une « entrée en zone » mais ne règle pas la question d’une chute de performance de débit d’air sous le niveau des 160 litres par minute pendant l’utilisation ».

Une remarque judicieuse. 

En fait l’origine des dysfonctionnements n’a toujours pas été élucidée.

Des contrôles très récents de l’APAVE sur des masques usagés ont mis à nouveau en évidence un déclenchement tardif de l’alarme sonore quand le filtre est bouché ou la batterie déchargée.

La Direction générale du Travail a informé l’Andeva qu’elle avait sollicité l’expertise de l’Institut national der recherche et de Sécurité (INRS) pour analyser ces dysfonctionnements.

L’ajout d’un tube indicateur ne règle pas la question de la durée de vie de la batterie.

Quelle durée d’utilisation avant un remplacement systématique de la batterie ? Comment garantir le maintien des performances sur  toute une vacation ?

L’ajout d’un indicateur de débit ne règle pas non plus la question de la traçabilité des aléas et des contrôles.

En théorie, tous les aléas sont enregistrés  dans l’appareil pour être analysés par le Centre de maintenance auquel doit être envoyé le bloc (moteur,  batterie et carte électronique).

Mais il suffit d’une action de l’opérateur pour réinitialiser l’appareil, en effaçant les données. Une telle action devrait être  impossible.

Revoir le dispositif réglementaire, de la certification jusqu’au contrôle

A ce jour, les causes des baisses de débit inopinées n’ont pas été élucidées et rien ne dit que de tels dysfonctionnements ne se retrouveront pas sur des masques à ventilation assistée d’autres fabricants.

Les pouvoirs publics ne peuvent se borner à recommander de suivre la notice du fournisseur. Cette affaire a révélé des failles dans la réglementation qui mettent les opérateurs en danger. En fait, c’est tout le processus, depuis la certification jusqu’au contrôle, en passant par la formation et l’information des opérateurs qui doit être revu.
La responsabilité des pouvoirs publics est engagée.

Ce que demande l’Andeva

- Certification : Les tests pour les masques à ventilation assistée doivent être revus. Il faut tester ces équipements à l’état neuf mais aussi après un certain nombre d’heures d’utilisation, en situation de travail.

- Batterie : Il faut fixer une durée d’utilisation maximum avant un remplacement systématique de la batterie.

- Message d’alarme : La consigne de sortie de la zone de travail doit s’afficher en clair sur l’appareil.

- Traçabilité  des aléas et des contrôles : ce type d’équipement devrait avoir un « carnet de bord » informatique où s’enregistrent automatiquement les contrôles annuels, les dysfonctionnements et les interventions des centres de maintenance. Cet outil de suivi - dont la fonction serait analogue à celle du disque installé sur les poids lourds - ne devrait pas pouvoir être modifié par l’opérateur. Il devrait par contre être consultable en lecture par l’inspection du travail. Sa réalisation ne présente aucune difficulté technique.

- Entretien courant : Le masque, le moteur et la batterie devraient être des EPR individuels, pour responsabiliser l’opérateur.

- Formation : des exercices pratiques pour apprendre l’utilisation de ces masques devraient être inclus dans les formations SS4 (travaux au contact de l’amiante en place) et SS3 (désamiantage).

 


Un argument irrecevable

L’avis du ministère du 28 octobre 2001 se veut rassurant : « les appareils de protection respiratoire à ventilation assistée continuent à assurer une protection en cas de variation du débit d’air, y compris en cas de moteur à l’arrêt ». Un argument irrecevable et contre-productif : à quoi bon avoir un moteur, si l’opérateur est protégé quand ce moteur est à l’arrêt ?


 UNE ALERTE à prendre très au sérieux

Un article de Libération a mis au grand jour des dysfonctionnements sur un masque 3 M à ventilation assistée.

Ils avaient été signalés au fabricant et aux pouvoirs publics, il y a trois ans, par une lanceuse d’alerte qui s’est vite retrouvée dans le collimateur.

Rien n’est pire pour un désamianteur que de mettre sa vie en danger, en se croyant protégé.

Les tests de débit d’air réalisés par l’APAVE, sur demande de la Direction générale du Travail,   ont donné des résultats normaux sur des masques neufs et révélé des anomalies sur des masques usagés.

L’obligation de vérifier le débit d’air avant chaque entrée en zone de travail n’apporte qu’une réponse partielle et insuffisante au problème du vieillissement de cet équipement de protection respiratoire (EPR).

Il ne s’agit, à ce stade, que d’une consigne du fabricant validée par la DGT. Or, c’est toute la réglementation qu’il faut revoir, depuis la certification jusqu’au contrôle de ces EPI, en passant par la formation et l’information des opérateurs.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°67 (janvier 2022)