Plutôt que d’évacuer toute la tour Montparnasse  avant de la désamianter, comme le demandait l’Andeva,  les copropriétaires, croyant faire des économies, ont choisi de faire des travaux par petits bouts. Le bilan est calamiteux : 72 dépassements du seuil réglementaire de 5 fibres par litre d’air entre 2009 et 2013, un désamiantage incomplet, des délais supplémentaires de longues années...

Le 12 mars 2014, l’Andeva avait écrit au au Préfet pour lui demander d’ordonner l’évacuation complète et le désamiantage de la Tour.  Sans succès.

Un « expert » désigné par les copropriétaires avait dit qu’une évacuation n’était pas nécessaire et soutenu mordicus que les gaines techniques verticales ne contenaient pas d’amiante.

L’Andeva avait engagé une action judiciaire qui se poursuit.  Le 29 octobre 2021, un autre expert désigné par la Cour d’appel de Paris a rendu un rapport qui révèle de lourdes carences dans l’évaluation des risques et la gestion du chantier.

Manifestement, les responsables des travaux (maître d’ouvrage, maître d’oeuvre, entreprises intervenantes) ont sous-estimé la complexité des installations et les risques d’un désamiantage en milieu occupé dans une tour de 59 étages et 6 niveaux souterrains.

Tout se passe comme s’ils avaient été confrontés à des problèmes qui dépassaient leurs compétences et dont ils n’avaient même pas soupçonné l’existence. L’expert en dresse la liste :

- des matériaux amiantés et des zones polluées « dans des espaces mitoyens aux chantiers »,

- des « gaines de ventilation verticales mitoyennes de chantier, non étanches...»

- un « système de traitement de l’air de la Tour  complexe par son étendue (gaines communes des sous-sol aux derniers étages) et son fonctionnement», qui peut  interférer « avec les systèmes de traitement de l’air pollué des chantiers »

- « la poursuite de l’exploitation de la Tour pendant les travaux avec des entreprises de maintenance intervenant à proximité ».

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L’expert épingle l’absence de mesures conservatoires visant à éviter la dispersion de fibres d’amiante, en présence de matériaux classés « très dégradés ». Il note des carences sur l’évaluation des risques et le repérage de l’amiante en place.

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Il n’hésite pas à poser des questions qui fâchent :

« Pourquoi ICADE [le maître d’ouvrage] n’a-t-il jamais fait mener d’expertise par une tierce partie sur les dépassements de 2009 ? »

Pourquoi ICADE n’a pas fait arrêter les deux chantiers (..) alors que les dépassements se poursuivaient ? »

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L’expert reproche aux décideurs de « n’avoir pas su évaluer l’impact du désamiantage par zones limitées, pour permettre la poursuite pleine et entière des activités de la Tour au profit d’un désamiantage par ensemble d’étages, voire Tour complètement vidée.

Ces dernières solutions impliquaient un déménagement partiel ou complet de la Tour. »

Il ne s’agit donc pas de problèmes ponctuels. C’est bien la stratégie globale du désamiantage de la Tour qui est en cause.

Espérons qu’on en tirera les leçons pour d’autres immeubles de grande hauteur.

 


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°67 (janvier 2022)