« Le port de La Rochelle – La Palice n’était pas un port autonome, c’était un port franc.

Nous étions embauchés à la journée par des établissements (Delmas, CGMT, Comptoir maritime, Manurock…)

Ils avaient leur contremaître ou leur chef d’équipe. S’il avait besoin de vingt dockers, il montait sur une estrade et appelait vingt personnes par leur nom.

Nos conditions de travail étaient terribles : On déchargeait des sacs poussiéreux qui ressemblaient à de la toile de jute. Sur ces sacs, les inscriptions n’étaient pas en français.

On ne savait pas que c’était de l’amiante ni que c’était dangereux.

Il y avait de la poussière partout : dans les cales, mais aussi dans les magasins qui étaient bourrés d’amiante. Il y en avait même dans certains bureaux. Le travail était très pénible. Il faut voir les « bateaux-poubelles » qui nous arrivaient !

Le patron nous donnait des masques en papier qui tenaient par un élastique. Ils ne nous protégeaient pas du tout. Il ne fournissait pas de bleus.

Nous apportions un vieux jeans qui nous servait de vêtement de travail. Les gants de manutention ne nous étaient pas fournis. Ils nous étaient vendus cinq francs la paire ! Quelle mesquinerie !

À l’époque, il n’y avait ni douche ni vestiaire. Quand je travaillais de 5 heures du matin à 13 heures, je repartais à la maison en vélomoteur avec mes habits poussiéreux. Les conditions de travail à cette époque étaient inimaginables.

Notre bataille collective dure depuis 17 ans ! Nous avons d’abord lutté pour faire inscrire La Rochelle–La Palice sur les listes des ports ouvrant droit à la « pré-retraite amiante ». Notre dossier était solide. Nous avons arraché cette inscription d’abord de 1972 à 1982, puis de 1982 à 1999.

Puis nous avons lutté pour faire reconnaître notre préjudice d’anxiété.

Quand on a vu des collègues mourir de l’amiante, on a des raisons d’être anxieux. Il est trop facile de mettre ces décès sur le compte du tabac et de l’alcool.
Nous avons gagné devant le conseil de Prud’hommes de La Rochelle, puis devant la Cour d’appel de Poitiers qui a résisté à la Cour de cassation.

Merci à l’équipe de l’Addeva 17 et à l’Andeva pour l’aide qu’elles apportent aux victimes et aux familles. Merci au syndicat CGT du chantier naval qui nous a aidé dans nos démarches. Merci à maître Frédéric Quinquis et à toute l’équipe du cabinet Michel Ledoux qui a très bien plaidé ces dossiers.

L’employeur s’est pourvu en cassation. Le 22 mars est une date très importante pour nous. J’espère que la jurisprudence de la cour de cassation - jusqu’ici défavorable aux dockers - va évoluer dans le bon sens.

En tout cas, je ne lâcherai rien. J’ai commencé ce combat avec M. Bernard Bachelier, décédé il y a un mois. Je le continuerai jusqu’au bout.

Michel BLANCHARD