Le 20 janvier 2023, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a rendu deux arrêts très importants sur la nature de la rente « AT-MP » versée par la CPAM à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Ils corrigent une jurisprudence de la 2ème chambre civile qui pénalisait depuis une douzaine d’années les victimes agissant en justice. Dans le dernier Bulletin de l’Andeva, nous avions donné la parole à Romain Bouvet (du  cabinet Ledoux) qui a analysé ces arrêts . Nous détaillerons ici les conséquences de ce revirement de jurisprudence à la fois sur les actions judiciaires en faute inexcusable de l’employeur et sur le mode de calcul des indemnisations à verser par le FIVA.

28 février 2002 l’essor des actions judiciaire au civil

Après les arrêts du 28 février 2002 sur l’obligation de sécurité de résultat du chef d’entreprise, les actions en faute inexcusable de l’employeur ont prospéré.

Presque toujours victorieuses, elles ont permis de faire reconnaître publiquement la responsabilité de l’employeur, en l’incitant à mieux protéger la santé et la vie des travailleurs.

Elles ont aussi permis d’obtenir deux compléments à l’indemnisation forfaitaire accordée en routine par la CPAM si la maladie est reconnue ;

1) par une majoration au taux maximum de la rente accidents du travail-maladies professionnelles   ;

2) par une prise en compte des préjudices extra-patrimoniaux non pris en charge par la CPAM pour une maladie professionnelle (souffrances physiques et morales, préjudice d’agrément...)

A condition d’être prêt à engager de longues procédure et de démontrer l’existence d’une faute de l’employeur .

2009 : une jurisprudence régressive

En 2009, la deuxième chambre civile de la Cour de  cassation a opéré un revirement de jurisprudence, estimant désormais que la rente AT-MP couvrait non seulement les pertes de gain liés au travail, mais aussi le déficit fonctionnel permanent  (DFP).

Cette analyse « hypertrophiée »  de la rente AT-MP, contraire à la lettre du Code de la Sécurité sociale, avait été sévèrement critiquée, par de nombreux juristes. 

Sans maîtriser toutes les subtilités du débat entre juristes, les victimes ont constaté : une diminution voire un escamotage pur et simple de l’indemnisation de leurs souffrances physiques et morales. Avec une perte de plusieurs dizaines de milliers d’euros pour des cancers professionnels.

20 janvier 2023 : la fin d’une injustice

L’assemblée plénière de la Cour de cassation a opéré un revirement salutaire le 20 janvier dernier.

Il permet désormais aux victimes ou à leurs ayants droit d’obtenir une réparation complémentaire pour les souffrances physiques et morales en tant que poste de préjudices distinct, sans avoir  à fournir la preuve que la rente prévue par le Code de la sécurité sociale ne couvre pas déjà ces souffrances.

L’assemblée plénière  de la Haute Cour a annoncé « une amélioration de l’indemnisation des victimes ». Elle s’appliquera non seulement aux victimes de l’amiante, mais aussi à l’ensemble des victimes du travail qui engageront une action en faute inexcusable.

En rendant cette action plus rémunératrice, ce revirement devrait engager des travailleurs reconnus en maladie professionnelle à s’engager dans cette voie.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°71 (juillet 2023)