Un ex-fonctionnaire territorial en charge de la maintenance du parc immobilier de la Ville de Marseille a été condamné le 26 juin à deux ans de prison dont un ferme, suite au décès de deux salariés du théâtre emportés par un cancer de l’amiante reconnu en maladie professionnelle. Les chefs d’accusation étaient nombreux : homicides et blessures involontaires par négligence, défaut de surveillance, mise en danger de la vie d’autrui, retard dans la réalisation du dossier technique amiante (DTA), non-communication de ce document réglementaire aux personnels du théâtre de la Criée. La peine  pourra       être purgée sous surveillance électronique.

Deux cancers mortels

L’amiante a tué deux fois au théâtre de la Criée. : en 2010, un agent chargé de l’entretien du bâtiment et  en 2014 l’ex-directeur du théâtre. Tous deux ont été emportés par un cancer de l’amiante reconnu en maladie professionnelle. Tous deux avaient porté plainte.

Une présence d’amiante avérée

L’ancien responsable de la maintenance du parc immobilier de Marseille, a été reconnu coupable d’avoir laissé dormir dans un tiroir durant deux ans un diagnostic technique amiante (DTA) confirmant une présence multiforme d’amiante dans le théâtre.

Ce document mentionne du progypsol en quantité, un plâtre amianté difficile à retirer. Il y a beaucoup d’amiante dans la cage de scène de la grande salle, la salle de couture et les locaux techniques. Les volets coupe-feu et les gaines de ventilation et de chauffage contiennent de l’amiante friable.

« Un lien de causalité certain »

Ce DTA avait été réalisé en novembre 2006, avec trois ans de retard sur l’échéance fixée par la loi. Il aurait dû être transmis aux intéressés au plus tard le 29 décembre 2006. Il ne l’a été que le 27 novembre 2008.

Le tribunal a considéré que ce retard de transmission constitue un « lien de causalité certain » avec les deux décès et les maladies liées à l’amiante subies par deux autres salariés du théâtre (une employée de la billetterie et un électricien).

Rien à se reprocher

A l’audience de mai dernier, Robert Martin, l’accusé, ne voyait rien à se reprocher après 43 ans de bons et loyaux services.

Il avait dénoncé la faiblesse des moyens mis à sa disposition  par la Ville qui ne lui accordait que 90 000 euros annuels pour les DTA des 500 bâtiments communaux qu’il avait en portefeuille.
« Il m’aurait fallu 16 ans pour les diagnostiquer tous »., avait-il déclaré, expliquant en substance qu’il était condamné à choisir entre les écoles, les crèches et les théâtres.

Mise en danger de la vie d’autrui

Le tribunal ne l’a pas suivi. Il l’a également condamné pour mise en danger des salariés des entreprises intervenantes, défaut de surveillance du flocage et absence de repérage des produits contenant de l’amiante. Il devra en outre verser 10 000 euros de dommages et intérêts au Comité économique et social (CES) du théâtre au titre du préjudice moral.

L’indemnisation des victimes atteintes d’une maladie liée à l’amiante et de la veuve de l’agent de maintenance décédé sera fixée au cours d’une audience spécifique au civil.


L’amiante dans les théâtres

La Criée n’est pas le seul théâtre où des membres du personnel ont été tués par l’amiante.

Dans les années 70 et 80, de nombreux théâtres ont été construits ou rénovés en utilisant ce « matériau-miracle » en grande quantité, particulièrement pour la protection incendie et l’isolation phonique.

On en trouvait par exemple dans les rideaux de scène ignifugés, les portes coupe-feu, les matériels d’éclairage, de chauffage, de ventilation, la machinerie des dispositifs scéniques...

Il y a eu des victimes de l’amiante dans le personnel de la Comédie française qui a été condamnée deux fois en appel pour faute inexcusable de l’employeur.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°71 (juillet 2023)