Les cancers génitaux d’origine professionnelle

L’intérêt pour ces cancers est récent, mais les données épidémiologiques les concernant devraient connaître d’importants développements dans les années à venir. Nous allons traiter chez la femme le problème du cancer du sein et de celui de l’ovaire et chez l’homme le cancer de la prostate, le cancer du testicule et le cancer du sein. 

 

Les cancers chez la femme

1/ Le cancer du sein et le travail de nuit.

 Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme. On dénombre environ    60 000 nouveaux cas par an. Il est responsable chaque année de 12 000 décès, avec un taux de survie global de 87 % à 5 ans.

Bien qu’on identifie un certain nombre de facteurs extra-professionnels responsables (facteurs de risques liés à l’histoire gynécologique et médicale, facteurs de risque génétiques, facteurs de risques liés au mode de vie), il n’en reste pas moins qu’on estime en France par an qu’au moins 1 000 cancers sont attribuables à une exposition professionnelle.

Mais cette estimation est basse et pourrait être revue à la hausse dans les années à venir.

Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) classe le travail de nuit dans le groupe 2A comme cancérogène probable pour le sein, mais également pour le colon et la prostate.  Il est hautement probable devant l’accumulation des études qu’il révise par la suite sa position et classe alors le travail de nuit comme un cancérogène avéré pour le sein.

Une telle évolution permettrait alors sans conteste l’introduction du cancer du sein lié au travail de nuit dans un tableau de maladie professionnelle, sachant que pour le moment il existe une possibilité de reconnaissance en maladie professionnelledans le cadre du système complémentaire  avec la soumission du dossier au CRRMP (Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles) et en apportant la preuve d’un lien direct et essentiel. Mais cette démarche rencontre pour le moment beaucoup de difficultés et de résistances de la part des médecins.

Les mécanismes en jeu dans la survenue du cancer du sein lié au travail de nuit ne sont pas clairement élucidés, rendant de fait difficile la prévention, mais on incrimine notamment la perturbation de la production de la mélatonine secrétée la nuit, en raison de l’exposition à la lumière, sachant que cette hormone a un effet anti-cancérogène. La période la plus critique se situe entre minuit et 5 heures du matin.

Le travail de nuit concerne 9 % des femmes actives, soit plus d’un million dont la moitié habituellement, principalement dans les secteurs de la santé, de la sécurité et des transports, mais depuis la fin de son interdiction pour les femmes en 2001, il s’est développé dans l’industrie.

On considère que le risque est appréciable dès lors que la victime totalise au moins 2 nuits par semaine pendant au moins 10 ans.

Comme autre facteur de risque pour le cancer du sein les rayonnements ionisants sont considérés par le CIRC comme un cancérogène avéré pouvant s’ajouter dans certains cas au travail de nuit avec une multiplication des effets.

Cette exposition concerne le personnel soignant (surtout en pédiatrie), les professionnelles de l’imagerie médicale, les travailleuses du nucléaire et le personnel navigant (hôtesses de l’air), les rayons cosmiques étant en cause dans ce dernier cas.

Par ailleurs le CIRC identifie comme cancérogènes probables plusieurs produits chimiques : la dieldrine, un pesticide interdit en France depuis 1994 ; l’oxyde d’éthylène utilisé notamment pour la stérilisation du matériel chirurgical ; les polychlorobiphényles utilisés par le passé comme isolants électriques et comme fluides transportant de la chaleur dans diverses installations industrielles, interdits en France depuis 1987.

Mais la liste pourrait s’allonger dans les temps à venir (autres pesticides, perturbateurs endocriniens, antimitotiques, cosmétiques, désinfectants) pouvant alors expliquer un excès de cancers du sein dans certaines professions : coiffeuses, ouvrières du textile, ouvrières dans la fabrication d’article en plastique et en caoutchouc.

2/ Le cancer de l'ovaire et l'amiante.

On dénombre environ plus de 5 000 cancers de l’ovaire survenant par an avec un taux de mortalité élevé (3 500 décès par an).  Bien que  la responsabilité de l’amiante dans la survenue de ce cancer ait été évoquée il y a déjà une dizaine d’années par le CIRC qui classe alors l’amiante comme un cancérogène avéré pour l’ovaire, ce n’est seulement que maintenant qu’est mise en œuvre une procédure d’inscription du cancer de l’ovaire en lien avec une exposition à l’amiante dans les tableaux des maladies professionnelles, procédure qui devrait aboutir prochainement.

Cette mise en œuvre fait suite à un rapport de l’ANSES (Agence nationale de sécurité, de l’alimentation,  de l’environnement et du travail) paru en 2022 et disponible sur Internet1. Il concerne également le cancer du larynx en lien avec une exposition à l’amiante.  

 


Les cancers chez l’homme

1/ Le cancer de la prostate et les pesticides

La prostate est un organe, intervenant dans la reproduction chez l’homme, qui est mal connu.

Elle intervient de façon importante dans la production de la phase liquide du sperme. Elle est située sous la vessie entourant le canal évacuant l’urine, l’urètre.

La prostate grossit progressivement à partir de 45 ans pouvant devenir volumineuse en créant des difficultés pour uriner, avec le risque de bloquer le passage de l’urine et de provoquer une rétention urinaire dans la vessie pouvant au pire endommager le rein.

On parle alors d’adénome de la prostate, en soulignant bien qu’il s’agit d’une tumeur bénigne  très fréquente chez l’homme âgé nécessitant la plupart du temps, lors  de complications ou d’une gêne intolérable,  un traitement aux modalités diverses.

Mais le problème le plus préoccupant concernant la prostate est le cancer. C’est le cancer le plus fréquent chez l’homme avec plus de 50 000 nouveaux cas par an. Mais il n’est pas forcément particulièrement meurtrier avec environ 8 000 décès par an et un taux de survie à 5 ans de 90 %.

C’est sans doute parce qu’il s’agit d’un cancer d’évolution lente, dont on peut soupçonner l’existence par la  mesure d’un marqueur spécifique, le PSA, permettant un dépistage précoce et qu’on dispose de moyens de traitement efficaces, notamment la chirurgie.

Le facteur de risque professionnel le mieux identifié sont les pesticides, constat qui a permis d’aboutir récemment à l’introduction du cancer de la prostate en lien avec une exposition aux pesticides dans les tableaux des maladies professionnelles aussi bien dans le régime général (tableau n°102) que dans le régime agricole (tableau n°61).

Mais le CIRC identifie d’autres facteurs de risques comme cancérogènes probables pour la prostate : l’arsenic, le cadmium, le métier de pompier, le travail de nuit, la production de caoutchouc, les rayonnement ionisants. Il convient de souligner que l’existence de plusieurs  facteurs de risque à la fois peut provoque un effet multiplicateur dans la survenue du cancer.

2/ Le cancer du testicule chez les pompiers

Le cancer du testicule est un cancer de l’homme jeune, dont le pronostic est excellent en raison de l’ablation facile de l’organe atteint.  Il est assez rare : 0,6% des cas de nouveaux cancers chez l’homme par an et 0,1 % des cas de décès par cancer par an.

Concernant les facteurs de risques professionnels il est noté dans la littérature un excès de cancers du testicule chez les pompiers et le CIRC a classé le métier de pompier comme cancérogène probable pour les testicules. Le cancer du testicule chez les pompiers est reconnu maladie professionnelle au Canada.

Les mécanismes ne sont pas clairement élucidés, sachant que les pompiers sont exposés à des fumées de dégradation de multiples produits chimiques et également à la chaleur, qui pourrait s’avérer avec le temps être identifiée comme un facteur  de risque important dans la survenue du cancer du testicule.

Les pesticides, constitués majoritairement de perturbateurs endocriniens, sont également incriminés dans la survenue du cancer du testicule et le CIRC en pointe plusieurs dans sa liste comme cancérogènes probables.

3/ Cancer du sein et trichlo

Chez l’homme, la glande mammaire est réduite à un simple bourgeon mammaire, mais elle peut être le siège d’un processus cancéreux. Il s’agit d’un cancer peu fréquent (quelques centaines de cas par an). 

Dans ce cas la responsabilité hormonale n’est pas impliquée. On trouve un excès de cas de cancer chez les mécaniciens de véhicules à moteur et les peintres. 

Les facteurs de risque professionnels identifiés sont les expositions au benzène et au trichloroéthylène.


Article paru dans le Bulletin de l’Andeva n°71 (juillet 2023)