La Convention de Rotterdam s’est réunie en mai dernier à Genève. Une fois de plus, une poignée de pays (Russie, Kazakhstan, Zimbabwe, Inde), ont bloqué l’inscription de l’amiante chrysotile et de divers pesticides hautement toxiques sur la liste des produits très dangereux. Ils refusent aux pays importateurs potentiels - et particulièrement aux pays les plus pauvres - le droit élémentaire  de connaître la dangerosité des substances qui entrent sur leur territoire. Face à ce blocage récurrent, plusieurs pays ont proposé cette année de nouvelles règles de fonctionnement pour sortir la Convention de la paralysie. Cette proposition a échoué.

L’amiante tue 200 000 personnes par an dans le monde. Toutes les variétés d’amiante sont cancérogènes. Et pourtant l’amiante chrysotile n’est toujours pas inscrit sur la liste des produits dangereux de la Convention de Rotterdam ! Une situation inacceptable.

La Convention de Rotterdam

C’est une convention internationale instaurée en 2004, dont la mission est de sécuriser le commerce international des produits dangereux. 

Elle est régie par la procédure de « consentement préalable en connaissance de cause ». Cette procédure impose à tout pays qui souhaite exporter des substances chimiques ou des pesticides très dangereux d’informer au préalable le pays importateur de leur extrême toxicité. Ces produits figurent sur une liste régulièrement remise à jour (Annexe 3 de la Convention).

Cette information n’est pas une interdiction. Elle vise simplement à informer le pays potentiellement importateur afin qu’il puisse décider en toute connaissance de cause soit de les laisser entrer, soit de restreindre ou d’interdire leur entrée sur le territoire national.

Un consensus introuvable

Le fonctionnement de la Convention repose dès l’origine sur un consensus entre les Parties. Ainsi l’ajout d’une nouvelle substance sur la liste des produits très dangereux ne peut être décidée que s’il y a accord unanime de tous les pays signataires de la Convention.

Cette règle a permis à des pays tels que la Russie (premier pays producteur et exportateur de la fibre tueuse), la Chine, le Kazakhstan ou l’Inde (premier pays consommateur), d’exercer un droit de véto permanent qui pervertit le fonctionnement de la Convention et montre son impuissance à remplir sa mission de prévention.

Toutes les demandes d’inscription de l’amiante chrysotile depuis une quinzaine d’années  ont subi le même sort : malgré un avis scientifique favorable du CRC (comité d’étude des produits chimiques de la Convention), malgré l’accord de la très grande majorité des pays signataires, l’inscription a été chaque fois rejetée par une petite minorité d’Etats qui préféraient protéger les profits des marchands de mort  plutôt que protéger la santé des populations.

L’amiante n’est pas la seule substance dont l’inscription est bloquée. C’est aussi le cas de 5 pesticides dont la toxicité pour la santé humaine et pour l’environnement est démontrée.

Sortir de l’impasse

Pour sortir de l’impasse, l’Australie et la Suisse ont proposé d’ajouter unenouvelle règle : si l’ajout d’un produit à l’annexe 3 n’obtient pas un consensus malgré l’avis scientifique du Comité d’études, les États pourront décider son inscription dans une autre liste (annexe 8) par un vote à la majorité des trois quarts.  Dans ce cas, la procédure de consentement préalable ne serait appliqée qu’aux seuls pays signataires des amendements.

Une quarantaine de syndicats et d’organisations de la société  civile ainsi que trois experts internationaux avaient soutenu cette proposition, qui pouvait offrir « une solution simple pour sortir de la paralysie ».

Mais le blocage a perduré cette année. Et cette proposition a été torpillée, une fois de plus, sous la pression des marchands de mort.


Article publié dans le Bulletin de l’Andeva n°71 (juillet 2023)