La Cour de cassation avait limité strictement la reconnaissance du préjudice d’anxiété aux seules personnes ayant travaillé dans un établissement ouvrant droit à la cessation anticipée d’activité « amiante ». Cette jurisprudence restrictive a été fortement critiquée par la doctrine, car elle introduit une double inégalité en privant de ce droit des personnes fortement exposées dans des établissements non inscrits sur les listes et des personnes exposées à un ou plusieurs cancérogènes autres que l’amiante. Un certain nombre d’indices nous incitent à penser qu’une évolution de la jurisprudence est possible. Dans le Lamy social du 10 décembre, Françoise Champeaux explique que cette évolution a été annoncée lors d’un colloque.
Le 23 novembre 2018 s’est tenu un colloque coorganisé par l’Association française de droit du travail (AFDT), l’Ecole nationale de la magistrature (ENM) et l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (INTEFP).
Jean-Guy Huglo, doyen de la chambre sociale de la Cour de cassation, a annoncé des évolutions possibles de la jurisprudence en santé au travail. Elles concerneraient l’obligation de sécurité de résultat, le préjudice d’anxiété et le temps de travail. Nous nous bornerons ici au préjudice d’anxiété.
Des résistances contre une jurisprudence jugée injuste
« La jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation sur le préjudice d’anxiété est binaire, constate Françoise Champeaux.
Soit le salarié bénéficie de la préretraite amiante (Acaata) (...) et le préjudice d’anxiété lui sera automatiquement accordé (...) ;
soit le salarié a été exposé à l’amiante sans être éligible à l’Acaata ou encore a été exposé à d’autres substances cancérogènes, le préjudice d’anxiété est alors tout aussi systématiquement écarté.
Il en résulte, a indiqué M. Huglo, que l’obligation de sécurité n’est tout simplement pas appliquée dans cette seconde hypothèse. »
L’auteure de l’article rappelle que cette jurisprudence a été « considérée comme injuste par une partie de la doctrine » et qu’elle « a fait l’objet de résistances de la part des juges du fond ».
Une discordance avec d’autres juridictions
De plus « cette jurisprudence de la chambre sociale ne serait pas en harmonie ni avec celle de la première chambre civile qui s’est prononcée dans l’affaire du DIstilbène (...) ni avec celle de la deuxième chambre civile qui inclut le préjudice d’anxiété dans le préjudice moral. (...)
« Quant au Conseil d’Etat, il reconnaît également que le préjudice d’anxiété peut être indemnisé, à condition de présenter un caractère direct et certain (...) »
L’Assemblée plénière de la Cour de cassation est saisie
Le doyen de la chambre sociale a annoncé d’importantes évolutions jurisprudentielles possibles. Il est trop tôt pour savoir si elles auront lieu et pour en connaître le contenu exact.
Mais il est sûr qu’un nombre significatif de hauts magistrats ont pris conscience des injustices et des incohérences de la situation actuelle et ressentent la nécessité d’une évolution.
L’Assemblée plénière de la Cour de cassation est saisie. Espérons qu’elle ouvrira la réparation du préjudice d’anxiété aux salariés des établissements « non inscrits » et à ceux qui ont été exposés à d’autres cancérogènes que l’amiante.
Il faudra se mobiliser le jour de l’audience.