Le 30 novembre dernier, le CHRU de Besançon a été reconnu coupable d’avoir mis délibérément en danger la vie d’une quarantaine de salariés en les exposant
à l’amiante pendant 4 années.

C’est une première dans un établissement public. La sanction financière est très faible, mais le jugement a une portée nationale.

La direction a fait appel. La Procureure aussi. La bataille judiciaire continue.

L’hôpital était poursuivi pour une mise en danger d’une quarantaine de salariés par «  violation manifestement dé­libérée d’une obligation réglementaire de sécurité  ». L’action énergique et efficace de l’inspection du travail a permis d’alerter la Procureure de la République. Tous les syndicats (CGT, CFDT, FO, Sud santé) et le CHS CT s’étaient portés partie civile. L’Andeva aussi.

Une première

Le tribunal a reconnu la responsabilité du CHRU pour une partie des faits. « C’est la première fois en France qu’un établissement public, et de surcroît un hôpital, est condamné pour la mise en danger délibérée de la vie de ses salariés concernant le risque amiante », ont dit l’intersyndicale et les avocats des parties civiles.

«  C’est un message fort pour la fonction publique : face à un risque mortel, les règles d’hygiène et sécurité sont applicables par tous, a fortiori par un établissement ayant une mission de santé  », a dit Michel Ledoux.

Une sanction symbolique

Le CHRU est condamné à verser 150 euros à chaque agent et 450 euros à chaque syndicat + une amende de 40 000 euros avec sursis.

« Cette amende représente 0,008 % des 500 millions d’euros du budget annuel du CHRU, ont souligné les représentants de l’intersyndicale. Comparé au salaire moyen annuel d’une infirmière, cela reviendrait à la condamner à payer 2,11 euros, même pas le prix de deux cafés !

Le même jour, la presse parlait des militants d’Air France condamnés à 3 et 4 mois de prison avec sursis et de chasseurs ayant tué des oiseaux protégés, condamnés a un an de prison ferme  !  »

Il y a une contradiction entre la gravité de la faute («  mise en danger délibérée de la vie d’autrui ») et le caractère limité de la sanction.

L’enjeu national d’une condamnation

Les avocats, dont l’ex-ministre de la santé Claude Evin, vont demander l’annulation de cette condamnation « infamante » en appel. On pourrait s’en étonner. En fait l’existence d’une condamnation a pesé plus lourd dans ce choix que le niveau de la sanction  : la reconnaissance par un tribunal correctionnel de la responsabilité d’un établissement de soins dans l’exposition délibérée de travailleurs à un risque mortel a une portée nationale.

« Il y a gros à parier que la FHF (la fédération hospitalière de France), qui regroupe tous les directeurs des hôpitaux publics, a fait pression pour que la Direction générale fasse appel, estime Christiane, retraitée CGT. Une condamnation risque en effet de donner des idées aux camarades qui connaissent de tels problèmes, dans d’autres hôpitaux ou services publics. »

Rendez-vous en cour d’appel

La Procureure (qui réclamait une peine plus sévère) et les parties civiles ont fait appel.

« Au CHRU, la situation est tendue, explique Pascal Hudry, secrétaire du CHSCT. Beaucoup sont déçus («  Tout ça pour ça  !  »). La politique managériale dégrade le climat social et ne favorise pas le « vivre ensemble ». Sur le terrain, rien ne semble devoir changer rapidement...

Nous ferons tout pour que le maximum de salariés aille au tribunal administratif pour exiger des indemnités et non pas des aumônes. Nous nous donnerons les moyens d’être présents et de gagner notre procès en appel. »