Un certain nombre de salariés victimes d’atteintes non cancéreuses liés à l’amiante, telles que des plaques pleurales, des épaississements de la plèvre viscérale associés à des bandes parenchymateuses, une fibrose pulmonaire (asbestose) font état de difficultés respiratoires se traduisant notamment par un essoufflement à l’effort.

Ce handicap fonctionnel respiratoire n’est pas forcément dû à l’amiante.
Il peut aussi être dû à une maladie associée pouvant être d’origine professionnelle : la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO).

La BPCO et son diagnostic

La broncho-pneumopathie chronique obstructive est une maladie qui touche les bronches.

Elle est donc différente des maladies non cancéreuses liées à l’amiante, plaques pleurales et épaississements de la plèvre viscérale, qui sont localisés à la plèvre, tandis que l’asbestose est une fibrose du poumon touchant la structure de remplissage du poumon, le tissu interstitiel.

Contrairement aux atteintes liées à l’amiante, la BPCO ne se manifeste pas au scanner par des signes caractéristiques.

Le diagnostic repose sur les résultats des explorations fonctionnelles respiratoires (EFR), et notamment sur le volume maximal expiré en une seconde ou VEMS (voir p. suivante).

Le fonctionnement normal des bronches

Les bronches sont tapissées par un revêtement (un épithélium) équipé de cils et produisant du mucus. Le mucus piège les particules indésirables qui ont pénétré dans les voies aériennes et les mouvements des cils remontent les particules piégées jusqu’au carrefour aérodigestif.

Une inflammation destructrice

Sous l’effet incessant des gaz, fumées et poussières, les bronches vont subir une inflammation chronique avec destruction des cils, hyperproduction de mucus et réduction de calibre surtout des petites bronches (bronchioles), ce qui va empêcher l’air de circuler.

Souvent la BPCO va entrainer une destruction des alvéoles, qui se traduit au scanner par les images d’emphysème.

15 à 20 % des BPCO sont d’origine professionnelle

La BPCO touche 7,5 % de la population en France.

Elle est responsable de 16 000 morts par an, tandis que 60 000 à 100 000 personnes sont sous oxygène en permanence en raison d’une insuffisance respiratoire chronique sévère.

Si le tabac est le principal responsable dans la survenue de la BPCO, la part professionnelle est non négligeable.

On estime le nombre de morts lié à une BPCO professionnelle de 2 400 à 3 200 par an. De nombreux secteurs professionnels sont touchés.

Dr L. PRIVET


Les Secteurs professionnels les plus touchés par la BPCO

Secteur minier, fonderie/sidérurgie et BTP sont les secteurs où des études scientifiques montrent à la fois un trouble ventilatoire obstructif, une relation dose-effet (1) et un excès de mortalité (avec des niveaux de preuve divers). Viennent ensuite le textile (coton), le milieu céréalier, la production laitière, l’élevage de porcs, le travail du bois,le soudage, les cimenteries, l’usinage de métaux.

(Voir : La bronchopneumopathie chronique obstructive professionnelle : une maladie méconnue - Revue des maladies respiratoires 2006 ; 23 - article consultable au siège de l’Andeva à Vincennes)
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1) La notion de « relation dose-effet » signifie que dans une population exposée la proportion de salariés atteints est liée aux différents niveaux
d’exposition.


Repères pour lire les résultats des EFR

Les résultats des épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR) permettent de distinguer deux types de répercussion sur le poumon

Le syndrome restrictif se caractérise par une diminution de la capacité pulmonaire totale (CPT) considérée comme anormale si elle est égale ou inférieure à 80 % de la valeur moyenne théorique. C’est ce type de répercussion que l’on rencontre dans les atteintes liées à l’amiante.

Le syndrome obstructif se caractérise par une chute du VEMS1 jugé anormal s’’il est égal ou inférieur à 80 % de la valeur moyenne théorique.

Attention ! La baisse du VEMS peut être la simple conséquence d’une baisse de la capacité pulmonaire totale. En effet la capacité pulmonaire totale est l’addition de deux éléments : la capacité vitale (CV) qui est le volume pulmonaire que l’on mobilise dans la vie de tous les jours et le volume résiduel (VR), qui est le volume d’air qui reste dans le poumon, quand l’expiration a été complète.

Dans un syndrome restrictif, lorsque la CPT est diminuée, c’est le résultat de la diminution conjointe de la capacité vitale (CV) et du volume résiduel (VR). Mais comme le VEMS correspond à 75 % de la capacité vitale, si la capacité vitale est abaissée, le VEMS le sera également.

Pour éviter une erreur d’interprétation, il faut comparer le VEMS à la CV, comparaison exprimée dans le coefficient de Tiffeneau (VEMS/CV lente) qui doit être inférieur à 70 pour affirmer qu’il s’agit d’une authentique BPCO.

Cela dit, peuvent très bien coexister un syndrome restrictif et un syndrome obstructif et il faut alors devant ce syndrome mixte faire la part de ce qui revient à chaque maladie.


La reconnaissance de la BPCO en maladie professionnelle

La reconnaissance par les tableaux 90, 91, 94

La BPCO fait l’objet de 3 tableaux de maladie professionnelle pour :
- les poussières  textiles végétales et notamment le coton (n°90),
-  les mines de charbon (n°91),
- les mines de fer (n°94).

Condition à remplir : il faut que le VEMS1 soit abaissé d’au moins 30 % par rapport à la valeur moyenne théorique.

La reconnaissance par le système complémentaire

Pour les autres secteurs professionnels, la BPCO peut être reconnue par un Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP)3.
Le système complémentaire permet en effet d’indemniser :

1) les maladies figurant dans un tableau de maladie professionnelle mais dont tous les critères ne sont pas remplis (alinéa 3), à condition d’apporter la preuve d’un « lien direct » entre exposition professionnelle et maladie.

2) les maladies ne figurant dans aucun tableau (alinéa 4), à condition d’apporter la preuve d’un « lien direct et essentiel », ce qui est plus difficile.

La BPCO « hors tableau »

La BPCO est souvent considérée comme une maladie « hors tableau », lorsque le salarié n’a travaillé ni dans les mines de charbon ou de fer ni au contact de poussières textiles végétales.

Il faut alors démontrer l’existence d’un « lien direct et essentiel  », ce qui implique une analyse minutieuse de l’exposition dans le temps aux gaz, fumées et poussières.

Condition à remplir : Il faut justifier d’un handicap respiratoire chronique entraînant une incapacité permanente partielle (IPP) d’au moins 25 %.

La preuve d’un « lien direct et essentiel » peut être compromise par l’existence présente ou passée d’un tabagisme chronique.

Un arrêt récent devrait aider à lever cet obstacle.

Un important arrêt de la Cour de cassation

La Cour a récemment validé la reconnaissance de la BPCO d’un sidérurgiste4 dans le cadre de l’alinéa 3.

Elle a considéré à juste titre que la BPCO ne pouvait être considérée comme « hors tableau », puisque cette pathologie figurait déjà dans trois tableaux !
Elle a estimé qu’une des conditions de ces 3 tableaux (les travaux) n’était pas remplie et qu’il il fallait donc traiter le dossier dans le cadre de l’alinéa 3 (« lien direct »), moins contraignant que celui de l’alinéa 4 (« lien direct et essentiel »).

Le taux d’incapacité et l’indemnisation

L’indemnisation est fonction de l’importance du taux d’incapacité permanente partielle (IPP).

Celui-ci doit être fixé conformément au paragraphe 6.9 du barème indicatif des maladies professionnelles5 traitant de la déficience fonctionnelle respiratoire.
Cette déficience est fonction de l’importance du trouble ventilatoire obstructif évalué par les chiffres du VEMS1 et, quand l’atteinte est plus grave, par la PaO2 (2).

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1) VEMS = volume expiré maximal en une seconde

2) PaO2 = taux d’oxygène dans le sang

3) Article L 461 du Code de la Sécurité sociale, alinéas 3 et 4.

4) Arrêt de la 2ème chambre civile, 12 mars 2015, n°14-12441, sur internet : http://www.legifrance.gouv.fr/

5) Annexe II du Code de la Sécurité sociale : http://www.legifrance.gouv.fr/