Italie : l’Afeva a rendu hommage à Romana Blasotti Pavesi

Le 16 novembre dernier, lors d’une émouvante assemblée générale, Romana Blasotti Pavesi, 86 ans, a quitté la présidence de l’AFeVA, l’association italienne qui défend les victimes de l’amiante et leurs familles. Aimée et admirée de tous, Romana a été depuis 30 ans la figure de proue de la lutte des ouvriers d’Eternit et de la population de Casale Monferrato. Beppe Manfredi et Giovanni Capa, tous deux atteints d’un mésothéliome, reprennent le flambeau pour la présidence et la vice-présidence de l’association.

« Les magistrats ne nous ont pas rendu justice, mais le monde entier sait que nous avions raison. »

Mario Pavesi, le mari de Romana, avait travaillé 17 ans chez Eternit. Quand il rentrait à la maison, avec les cheveux et les bleus couverts de poussière d’amiante, Il embrassait sa femme et sa fille. A Casale, tout le monde respirait cette poussière mortelle que le vent répandait sur la ville.

Ignorants du danger, des habitants faisaient leurs achats le samedi au magasin d’Eternit. Pour une poignée de lires, on remplissait sa brouette de rebuts d’amiante-ciment pour paver des terrains de boules ou des allées de jardins.

Mario est mort d’un mésothéliome. Après lui, Romana a perdu sa soeur Libera, sa cousine Anna et sa fille Maria Rosa. Des tragédies qui ont bouleversé sa vie. Dès 1983, avec une poignée de syndicalistes, elle a dénoncé le danger de l’amiante. Ils ont créé l’Afeva et engagé une longue bataille judiciaire.

Ils ont réussi à faire condamner Stephan Schmidheiny, dernier propriétaire d’Eternit, à 16 ans de prison par le tribunal puis à 18 ans de prison par la Cour d’appel de Turin. Mais, à Rome, la Cour de cassation a annulé la condamnation, considérant que le délit de catastrophe environnementale était prescrit.

 

La lutte de David contre Goliath

« Après les condamnations en première instance puis en appel, nous étions persuadés d’avoir gagné. Le verdict de la Cour de cassation nous a laissé un goût amer... »

Malgré ce terrible échec, la bataille judiciaire continue. Le Parquet de Turin a bouclé l’instruction d’un second procès contre le même accusé, poursuivi cette fois-ci pour « homicide ».

La légitimité de cette procédure a été contestée par les avocats de la défense au nom du principe qui dit que personne ne peut être jugé deux fois pour les mêmes délits. La juge a saisi la Cour constitutionnelle.

« Notre lutte c’est celle de David contre Goliath, a dit Romana. Si j’ai tenu bon les habitants de Casale étaient à mes côtés : c’est en eux que j’ai puisé ma force. »

Romana n’a jamais cédé au découragement. « Je quitte cette responsabilité parce que j’ai 86 ans et que je suis fatiguée. Mais je ne crois pas avoir perdu la bataille, a-t-elle dit à l’assemblée.

 

La fierté d’un immense travail accompli

La lutte des Casalais a suscité un formidable élan de solidarité internationale et resserré les liens entre les victimes de l’amiante du monde entier. Romana peut se retirer la tête haute, avec la fierté d’un immense travail accompli.

Le conseil national de l’AFe- VA et l’assemblée générale des adhérents unanimes ont désigné Giuseppe Manfredi président et Giovanni Cappa vice-président de l’association.

 

Giuseppe et Giovanni continuent son combat

Tous deux sont atteints d’un mésothéliome. Ils étaient en juin dernier au congrès de l’Andeva, où ils ont impressionné tous les délégués par leur courage et leur détermination.

« Depuis plus de deux ans, nous combattons cette maladie. Nous sommes accompagnés d’une façon exemplaire par nos médecins et par le personnel paramédical, a expliqué Giuseppe Manfredi. « Le fait que nous soyons personnellement touchés par cette pathologie fonde la permanence de notre engagement et pourra être une référence pour tous ceux qui se trouvent ou se trouveront un jour dans la même situation que nous ».

Il a réaffirmé la volonté de l’association de continuer, quelles que soient les difficultés, son combat pour la justice, le désamiantage, la santé et la recherche, en lien avec toutes les associations internationales qui agissent en symbiose avec l’AFeVA.


 

 

Schmidheiny-la-Censure

L’ancien PDG d’Eternit bloque la sortie d’un e-book qui dénonce ses responsabilités dans les milliers de morts de Casale Monferrato.

La magistrate du Parquet de Turin Sara Panelli, et la psychologue Rosalba Altopiedi avaient publié un livre accablant sur les responsabilités du millardaire suisse dans la catastrophe humaine et environnementale provoquée par Eternit (Le Grand Procès).

Une édition numérique en anglais a été faite. Et vingt-quatre heures après sa sortie, les avocats de Schmidheiny ont sommé l’éditeur de le retirer de la vente.

Il s’est exécuté en expliquant : « Nous ne pouvions pas assumer le coût d’une bataille judiciaire. »

L’empoisonneur, regonflé par le non lieu de la Cour de cassation, est devenu censeur. Joli Monsieur !


 

 

INDEMNISATIONS :
Le FIVA italien s’ouvre aux victimes environnementales, mais le niveau de l’indemnisation reste dramatiquement insuffisant.

Un arrêté du 4 septembre 2015 annonce à titre expérimental jusqu’en 2017 une indemnisation des personnes souffrant d’un mésothéliome dû à une exposition à l’amiante dans un cadre familial ou environnemental.

C’est une avancée, puisque le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante italien n’indemnisait jusqu’ici que les victimes professionnelles.

Mais cette avancée est plus que modeste. Le mésothéliome est en effet la seule maladie indemnisée et l’indemnisation se limite à un capital de 5600 euros versé une seule fois.

Cette décision a été prise par le ministre du Travail sans concertation avec l’AFeVA ni avec les organisations syndicales. Toutes demandent une égalité de traitement entre victimes professionnelles et victimes environnementales.


 

 

L’amiante à Casale :
risque accru de cancer, même à faibles doses.

Une récente étude sur 200 cas de mésothéliomes à Casale Monferrato a fait le lien entre la dose cumulée d’exposition à l’amiante (dans l’usine, au voisinage ou dans la famille d’un ouvrier) et la survenue de la maladie.

L’étude confirme que le risque de mésothéliome augmente avec la dose cumulée, que les expositions soient d’origine professionnelles ou non.

Elle démontre aussi - ce qui est nouveau - l’existence d’un sur-risque important pour des expositions très faibles qu’elles soient professionnelles ou environnementales. Pour les proches d’un ouvrier d’Eternit ayant vécu sous le même toit que lui, le risque est doublé.

L’étude met également en évidence l’existence d’un risque résiduel pour des sites industriels non dépollués ayant cessé leur activité.