Vincennes, le 12 mai 2017

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

AMIANTE : Préjudice d’Anxiété

L’État-employeur versera 976 000 euros
à 122 ouvriers de la DCNS de Cherbourg
.

 

Le tribunal administratif (TA) de Caen a condamné l’État à  verser 8.000 euros à chacun des 122 plaignants, en réparation de leur préjudice d’anxiété. C’est une belle victoire dont l’Adeva Cherbourg et l’Andeva se félicitent. 

Cherbourg est un bassin d’emplois particulièrement concerné par l’exposition à l’amiante.  Les ouvriers des chantiers navals y travaillaient sans protection dans des nuages de poussières d’amiante. A ce jour, 1500 maladies professionnelles ont été reconnues chez des ouvriers ou des retraités de la DCNS de Cherbourg soit près du tiers des malades sur l’ensemble des sites de la DCNS.

Beaucoup de salariés ou d’ex-salariés ont déjà accompagné des camarades de travail jusqu’à leur dernière demeure. Pour eux,  la crainte d’être atteint à leur tour d’une maladie grave est une réalité vécue.

Le ministère de la Défense (l’Etat-employeur) est condamné à verser 8000 euros à chacun. Cette décision a été jugée satisfaisante. Me Jean-Louis Macouillard a indiqué que les requérants ne feraient pas appel.

C’est la troisième vague d’actions judiciaires pour la réparation du préjudice d’anxiété à Cherbourg :

  • 128 dossiers avaient été plaidés le 28 avril 2016. Le tribunal administratif avait indemnisé le préjudice d’anxiété à hauteur de 8000 euros.
  • 28 dossiers avaient été plaidés le 3 novembre 2016. Le TA avait accordé la même somme.

La DCNS avait contesté ces décisions et saisi la cour d’appel administrative de Nantes. Mais le conseil d’État a rendu un arrêt de principe le 3 mars 2017, fort bien motivé, qui a précisé que la simple existence d’un dispositif de cessation anticipée d’activité suffisait  « par elle-même à faire naître chez son bénéficiaire la conscience du risque de tomber malade ».

Le ministère de la Défense s’est alors désisté de tous les appels qui n’avaient pas été jugés.

C’est dans ce contexte jurisprudentiel favorable qu’a été plaidée le 20 avril 2017 la troisième vague de procédures sur le préjudice d’anxiété. Le Tribunal Administratif de Caen l’a indemnisé à hauteur de 8000 euros et 800 euros pour l’article 700. 

Le total des 3 vagues d’indemnisations au titre de ce préjudice dépasse 2 200 000 euros.

Jusqu’à cette audience tous les requérants étaient soit en cessation anticipée d’activité « amiante » soit retraités. Cette fois-ci cinq victimes en activité demandaient, elles aussi, réparation de ce préjudice.

 « Ce jugement ne fera pas disparaître la peur de tomber malade, a expliqué Pascal Canu, le président de l’Adeva Cherbourg. Mais il envoie un message fort au Ministère de la Défense qui devra payer une somme totale conséquente suite à ces trois vagues de condamnations. Rien n’est plus précieux que la vie. Réparer les préjudices  doit coûter davantage que prévenir le risque. Ce jugement doit encourager le monde de l’entreprise à préserver la santé des salariés. Ce sont de belles victoires dont l’association se félicite ». 

Une procédure pénale lancée en 2005 est en cours contre la DCNS. L'enquête est menée par les juges d’instruction du pôle santé publique de Paris.

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Motivation du Conseil d’Etat du 3/03/2017 :

 

« Considérant, qu'un ouvrier d'Etat ayant exercé dans la construction navale a été intégré dans un dispositif d'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité, compte tenu d'éléments personnels et circonstanciés tenant à des conditions de temps, de lieu et d'activité, il peut être regardé comme justifiant l'existence de préjudices tenant à l'anxiété due au risque élevé de développer une pathologie grave, et par là-même d'une espérance de vie diminuée, à la suite de son exposition aux poussières d'amiante ; qu'ainsi, en retenant que la décision de reconnaissance du droit à cette allocation vaut reconnaissance pour l'intéressé d'un lien établi entre son exposition aux poussières d'amiante et la baisse de son espérance de vie, et que cette circonstance, qui suffit par elle-même à faire naître chez son bénéficiaire la conscience du risque de tomber malade, est la source d'un préjudice indemnisable au titre du préjudice moral ( ) ».