Comment la réglementation sur l’amiante dans les bâtiments est-elle appliquée ? Est-elle suffisante ? Quel bilan du plan d’action interministériel « amiante » (PAIA) ? Quelles propositions pour renforcer la prévention ?
Tel est le contenu de la mission confiée par quatre ministères (Santé, Ecologie, Travail et Logement) à trois organismes : l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), inspection de l’administration (IGA) et le conseil général de l’Environnement et du développement (CGEDD).
Dans ce cadre l’Andeva a été auditionnée le 2 décembre. Cette audition a permis de faire le point sur les problèmes rencontrés par les associations locales et de présenter des revendications de
l’association nationale.

Vers une éradication totale de l’amiante en place

L’éradication totale de l’amiante en place devrait être l’objectif des pouvoirs publics.
Pour avancer dans cette voie, il faut définir des lignes budgétaire pérennes, et donner la priorité aux bâtiments publics à commencer par les écoles.
Le repérage des matériaux contenant de l’amiante
Le repérage de l’amiante en place reste, malgré des avancées récentes, un « maillon faible » du désamiantage. Les dossiers techniques amiante (DTA) sont trop souvent inexistants, inaccessibles aux demandeurs et - quand ils existent - de qualité médiocre et non remis à jour.
Dans le lycée Georges Brassens à Villeneuve-le-Roi, un diagnostiqueur n’avait pas repéré 5000 mètres carrés de plafonds floqués amiantés au-dessus de la tête des enseignants et des élèves.
L’Andeva demande la mise en ligne des DTA sur Internet pour qu’ils soient accessibles à tous et que chacun puisse exercer un contrôle citoyen sur l’existence et la conformité de ces documents.
Elle demande aussi un renforcement de la qualification des opérateurs de repérage.

Une fragilisation des dispositifs de prévention

La suppression des CHSCT et le manque de moyens des inspecteurs du travail font régresser la prévention.
La précarisation de la situation des salariés majore le risque. L’utilisation de contrats à durée de chantier
fragilise les dispositifs de sécurité,
Tout comme le recours par dérogation à des jeunes de moins de 18 ans pour des travaux au contact de l’amiante.
L’Andeva a obtenu un recul partiel du gouvernement sur cette dérogation, suite à un recours en Conseil d’Etat.

Une prise en charge du désamiantage

Le coût financier du désamiantage est un obstacle souvent rédhibitoire pour le propriétaire d’un pavillon à rénover ou celui d’un bâtiment agricole dont il faut changer la toiture.
La question d’une prise en charge financière par les pouvoirs publics est posée.
Les aides financières ou les crédits d’impôts dont peuvent bénéficier certains particuliers propriétaires pour certains travaux ne sont pas à la hauteur des enjeux.
L’Andeva demande la mise en place d’un fonds de prise en charge du désamiantage, pour les particuliers et les agriculteurs, financé par les industriels de l’amiante dans le cadre du principe pollueur/payeur énoncé par l’article L 110-1 du Code de l’Environnement.

L’élimination des déchets des particuliers

Les décharges sauvages se multiplient. Elles contiennent souvent des matériaux amiantés. Elles mettent en danger les riverains, dégradent l’environnement et plombent les finances des communes.
Pour en venir à bout il faut résoudre les problèmes auxquels se heurtent les particuliers qui veulent se débarrasser de matériaux amiantés : l’absence de déchèteries acceptant l’amiante à proximité de leur domicile, la méconnaissance du risque ainsi que le coût élevé du désamiantage et de la mise en décharge par des professionnels.
L’Andeva demande un maillage du territoire plus serré pour les déchèteries qui acceptent l’amiante.
Personne ne devrait avoir à faire 150 kilomètres pour aller dans une déchèterie.
Des collectes à domicile de matériaux amiantés sont d’ores et déjà organisées gratuitement dans certains départements. Un rendez-vous est pris un mois avant. Une brochure d’information, des emballages spéciaux et des équipements de protection individuels sont distribués aux particuliers. Le personnel des déchèteries a consigne de ne pas accepter des matériaux non emballés.
Ce dispositif gratuit fonctionne bien. Il faut l’étendre à tout le pays.
Si cette orientation est appliquée, il sera plus facile d’engager une recherche systématique et un durcissement des sanctions contre les auteurs de décharges sauvages.

Le respect du principe pollueur - payeur

Beaucoup d’industriels de l’amiante ont fermé leurs usines en laissant à l’abandon une friche industrielle qu’ils n’ont jamais dépolluée.
Or la loi précise que l’obligation de remise en état d’un site industriel incombe au dernier exploitant, même s’il n’est pas propriétaire en vertu du principe du « pollueur payeur ».
L’usine CMMP d’Aulnay-sous-bois a contaminé beaucoup de victimes professionnelles et environnementales.
La municipalité a racheté l’usine pour la désamianter et la déconstruire sous confinement extérieur global.
Le coût total des travaux, incluant le déménagement de l’école voisine dans des locaux provisoires, a atteint près de 17 millions d’euros.
A ce jour la municipalité a versé 79% de cette somme. Le conseil départemental, le conseil général et l’Adème ont versé à eux trois 18% du total. A ce jour, le pollueur n’en a payé que 3% !
L’Andeva défend la mise en oeuvre effective du principe « pollueur - payeur ». Elle dénonce l’inertie des préfets qui n’utilisent pratiquement jamais la prérogative que leur donne l’article L.514-1 du Code de l’Environnement : mettre en demeure l’ancien exploitant de prendre des mesures et - si ce dernier rechigne - « faire procéder, aux frais de l’employeur, à l’exécution des mesures prescrites ».

Tirer les leçons de Lubrizol

L’incendie de Lubrizol a fait exploser une toiture de 8000 mètres carrés d’amiante-ciment, mettant en suspension des milliards de fibres. On a retrouvé des fragments à plusieurs kilomètres de l’usine.
Les autorités ont réagi par le déni et la minimisation des risques de l’amiante et d’autres produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques.
Avec d’autres associations, l’Andeva demande une transparence totale sur les produits stockés et leur toxicité.
Elle demande également le retrait immédiat de toutes les toitures amiantées ainsi que de tous les flocages d’amiante sur les sites classés Seveso.

Abaisser le seuil de gestion de l’amiante dans les bâtiments

Le seuil de gestion est le niveau d’empoussièrement en fibres d’amiante dans l’air au-dela duquel le propriétaire doit engager des travaux de retrait ou d’encapsulage. Le seuil de gestion actuel est de 5 fibres par litre d’air.
Après la catastrophe de Lubrizol, le préfet et la Dreal ont fétichisé cette valeur de 5 fibres en la présentant comme une garantie d’absence de danger si les résultats des mesures étaient inférieurs.
Il importe de rappeler que l’amiante est un cancérogène sans seuil. Il n’existe pas de niveau d’empoussièrement en-dessous duquel on pourrait être sûr qu’il n’y a plus de risque cancérogène.
Il faut aussi rappeler que le seuil de gestion avait été défini par référence à la valeur du fond de pollution urbain dans les années 70.
En 1993-1994 ce fond de pollution est tombé à 0,47 f/L. C’est pourquoi en 2009 l’Agence française de sécurité sanitaire a demandé logiquement que ce seuil soit abaissé à 0,5 fibres par litre. Elle n’a pas été entendue.
En 2011-2015 ce fond de pollution a été mesuré à 0,08 fibres par litre.
L’Andeva demande que le seuil de gestion soit donc abaissé immédiatement à 0,5 fibres par litre pour passer dans un second temps à 0,1 fibre par litre.
Elle demande également un comptage séparé des fibres courtes d’amiante, dont la cancérogénicité n’a pas été démontrée mais ne peut être exclue.
Elles représentent près de 68% des fibres en suspension dans un nuage de poussières lors de certaines opérations de nettoyage de sols en dalles de vinyle-amiante.
Ce comptage et l’établissement d’une valeur limite pour les fibres courtes avaient été préconisé par l’Agence française de Sécurité sanitaire

Développer l’innovation en matière de Prévention du risque amiante

Dans le cadre du Plan de recherche et développement amiante (PRDA), un certain nombre de projets innovants sont récompensés.
L’Andeva propose deux priorités :
1) La recherche sur des procédés d’inertage de l’amiante moins coûteux et moins énergivores que la torche à plasma (s’il est enfoui, l’amiante conserve ses propriété cancérogènes, alors que l’inertage le transforme en matériau inoffensif et industriellement réutilisable),
2) La recherche de techniques permettant une mesure d’empoussièrement en temps réel sur un chantier (aujourd’hui les résultats parviennent seulement a posteriori).

 

Article paru dans le Bulletin de l'Andeva n°62 (janvier 2020)